Wrath Of The Math
(Payday/ffrr)
Quand on lui met un micro dans les mains, Jeru, c’est un vrai tueur. Une diction articulée à l’extrême, une recherche permanente de nouvelles rythmiques verbales au service d’une écriture forte qui a le sens de l’image, tels sont les atouts de ce rapper de 25 ans qui a grandi à l’écoute des Run DMC, Grandmaster Flash et autres Kurtis Blow. Et quand il se retrouve avec son collègue DJ Premier aux platines, rien d’étonnant si ça fait des étincelles. Sorti en 1994, "The Sun Rises In The East" nous avait déjà convaincu de l’immense potentiel de cette association. L’album est aujourd’hui considéré comme un classique du genre. Tout ce qui nous avait captivé à l’époque, on le retrouve dans ce deuxième opus. Jeru est toujours aussi déterminé à capter et à assimiler, tel une éponge, la vibe du monde qui l’entoure, et il est plus que jamais en phase avec le son de la rue. DJ Premier, quant à lui, continue à nous inspirer un respect sans limites. Son travail de production - irréprochable - et ses scratches implacables sont le pendant instrumental du rap plein de maturité du Damaja. "Wrath of the math", l’un des meilleurs albums hip hop de 1997.
Grandmaster DJ X (Scratch #6 / 1997)
En relation avec l article qu’il avait écrit pour Scratch en 2002, Boodylane nous a concocté un mix sur une période allant de 1991 à 2003, du premier morceau avec Third Bass jusqu’à l’album de King Geedorah.
De son vrai nom Jean-Yves Blanc, Boodylane est aussi un artiste marseillais incroyable qui avait réalisé entre autres un clip en stop motion pour Stone Throw Records sur un titre de Madvillain.
https://youtu.be/uSxlZQUqVPYyoutube
son site https://boodylane.tumblr.com
l’article sur les débuts de Doom
https://www.cafoutch.fr/the-mystery-of-doom.html
LES AS DU TAUDIS.
L’histoire commence en 1986. On est en plein dans l’ère du reaganisme triomphant, ce qui veut dire que les riches continuent à s’enrichir et que les pauvres continuent leur collection de cafards morts. Pas étonnant que le vent de la contestation commence à souffler notamment chez les communautés qui survivent dans le ghetto. Quelques jeunes afro-américains se mettent en tête de sortir les consciences de leurs concitoyens de l’apathie généralisée dans laquelle elles s’enfoncent inexorablement. Cet été-là Chuck D. proclame Public Enemy Number One sur les ondes de son show radiophonique et Rakim appelle à voter pour Eric B. comme président. Le tonnerre gronde et le rap de marée ne va pas tarder à déferler dans tout le pays. C’est dans cette période d’effervescence que surgit le trio Kmd (pour « Kausin’ much damage ») en direct de Strong Island, bien décidé à prendre le micro pour faire des dégâts. A l’origine du groupe on trouve deux frères Dumile baptisés pour la circonstance Zev Lov X et DJ Subroc. Autour de ce noyau dur gravite l’électron libre MC Onyx. L’épopée musicale Kmd ne débute véritablement que deux ans plus tard lorsqu’ils rencontrent MC Serch et Pete Nice les deux mc’s du trio de Brooklyn Third Bass.
Cette rencontre débouche sur une amitié solide toujours pas démentie et sur une collaboration artistique des plus fructueuses. De celle qu’on arrose avec un cru millésimé.
En cette année 1989, MC Serch et Pete Nice invitent Zev Lov X à graver pour la première fois sa voix dans l’acétate et ce sur le désormais classique Gas Face que l’on retrouve sur The Cactus le premier essai discographique transformé de Third Bass. Le titre est produit par l’inévitable Prince Paul et sur une boucle de piano piqué à Jerry Roll Morton, les trois mc’s abordent, ce qui va devenir récurent chez Kmd, la lutte contre les clichés qui enferment l’individu noir dans une image dévalorisée et dévalorisante : « Black cat is bad luck / Bad guys wear black / Musta been a white guy who started all that / Make the gas face ! for those little white lies » (« Les chats noirs portent malheur / Les mauvais garçons portent du noir / Ce doit être un blanc qui a inventé ça / Faîtes un gas face à tous ces petits mensonges blancs. ») Mais qu’est ce qu’un gas face me direz-vous , la question est posée à Pete Nice :
« C’est une grimace de dégoût, une expression que tu utilises quand tu entends ou que tu vois le genre de conneries qui ne nécessite aucune réaction verbale. C’est un morceau drôle avec un message sérieux. Ca parle de certains frères qui se sont fait jeter de maison s de disques et la façon dont les noirs sont stéréotypés et dont les situations sont manipulées. » Des morceaux drôles avec un message sérieux, voilà le postulat du groupe.
C’est naturellement que les membres de Third Bass deviennent les producteurs exécutifs du premier lp de Kmd, Mr Hood sorti en 1991 sur Elektra. Un album conceptuel qui s’écoute comme un récit navigant entre prise de conscience et position afro-centriste, le tout entrecoupé de petites saynètes à l’humour acide qui servent un propos des plus réfléchis. Les trois mc’s nous narrent les déambulations de Mr Hood au cœur d’un quartier populaire, le ricain de base victime des préjugés et que les membres du groupe tentent d’éveiller en lui montrant que jeune, afro-américain et désargenté ne sont pas synonymes d’analphabète, de voleur ou de dealer de drogue. La tâche est rude et les trois jeunes gens doivent user de tous leur art de la rhétorique pour venir à bout des quatre siècles d’obscurantisme qui ont ignoré « la diversité et la richesse des cultures issues de la diaspora africaine ». Ce qui les amène à se demander sur Banana Peel Blues de combien d’évidence les gens ont besoin pour enfin voir les hommes sur le même pied d’égalité. Le premier titre du lp, la rencontre de Zev avec Mr Hood dans une bijouterie, donne le ton. Après lui avoir évité de se faire arnaquer par le bijoutier, le jeune Zev demande à Mr Hood s’il ne connaîtrait pas un endroit où trouver du travail et celui-ci cherche à l’envoyer vers un repaire de dealer. Musicalement le disque est proche de l’univers de Third Bass : utilisation de dialogues samplés sur lesquels s’articulent l’histoire, un télescopage sonore des plus hétéroclites où se mélangent avec un égal bonheur funk, jazz, blues ... Leur fraîcheur et leur insouciance leur permettent toutes les audaces. A noter la géniale joute verbale avec les Brand Nubian sur l’énergique Nitty Gritty qui ne fait qu’ajouter à ce lp plus que brillant. « Each one must teach one that’s how we reach one » entend-t-on à la fin du morceau, une conclusion qui fait écho au sous titre de l’album A positive cause in a much damaged society. Chacun se doit d’avoir un rôle d’éducation envers son prochain aussi infime soit-il.
1991 est aussi l’année où Third Bass sort deuxième album, l’excellentissime-fantabulesque Derelict Of Dialect où l’on retrouve Prince Paul, Nice & Smooth, Chubb Rock et les membres de Kmd qui produisent et participent au titre Ace In The Hole. Un bon millésime, cette année 1991.
Le second opus est prévu pour 1993. Il doit s’appeler Black Bastards. Le disque vient d’être achevé mais l’histoire dérape et des évènements tragique vont mettre un terme provisoire à l’aventure Kmd. DJ Subroc, renversé par une voiture, disparaît. Peu après, un différent oppose Zev et la maison de disque Elektra. Celle-ci refuse de mettre le disque tel quel sur le marché. Le titre de l’album et la pochette représentant une caricature d’homme noir pendu à une potence ne sont pas à leur goût (un comble d’hypocrisie lorsqu’on regarde les pochettes de Public Enemy, à la même époque.) Devant le refus de Zev de céder à toute compromission, Elektra décide de ne pas sortir le disque et libère Kmd de leur contrat. X jète l’éponge face à tant d’adversité et le disque, après un tirage en white label ultra confidentiel, est définitivement enterré. Ce disque ne devait semble-t-il jamais voir le jour. En effet, le label Readyrock qui avait récupéré la licence et sorti le disque en 2000 dépose le bilan, la galette à peine arrivée dans les bacs. A croire qu’il y a de la sorcellerie là-dessous ou un complot visant à faire couper la langue un peu trop pendue de Zev. Mais non, voilà que le disque réapparaît aujourd’hui chez Sub Verse grâce aux efforts de Zev qui édite l’album sur son propre label Metal Face Records.
C’est donc avec une joie non feinte que l’on peut enfin écouter ce miraculé. La recette est identique au précédent mais les ingrédients ont quelque peu changé. Le concept de Black Bastards comme son prédécesseur est de briser les stéréotypes. Et ils continuent aussi à évoquer ces petits rien qui font le sel de la vie (un bon joint, une bonne bouteille...) L’univers musical est plus homogène, plus concentré. La part belle faite aux basses électriques et acoustiques qui apporte chaleur et profondeur. Le son a pris du grain, s’est épaissi. Ils ont laissé de côté la naïveté, l’insouciance du premier lp pour un discours musical et lyrical plus contrôlé. Les morceaux liés entre eux se développent comme les thèmes différents d’un même long mouvement. Ici aussi on a affaire à un récit avec des articulations sonores plus que verbales. Les grondements de batterie intempestifs et les montées de cuivres laissent penser parfois à un enregistrement live, en une prise comme une jam session où les musiciens prennent des chemins de traverse, investissent des terres encore vierges. Mais ne vous y méprenez pas, si cela paraît plus profond, on reste en territoire hip hop. Un breuvage pour le corps et l’esprit.
LE MICRO MONDE DE DOOM.
Les coups du sort n’ont pas épargné Daniel Dumile. On aurait pu le croire disparu, englouti quelque part au large des Bermudes, déboulonné par les super héros mal embouchés à la solde du grand capital. Mais le bougre est toujours debout, près à en découdre avec l’industrie du disque qui l’a rejeté et tous les wack emcees qui l’avaient enterré un peu trop vite.
En 1997, entouré d’une aura de mystère, il réapparaît dans la peau, ou plutôt dans l’armure en acier inoxydable de Metal Fingers Doom, le super vilain au génie scientifique qui se bat contre les quatre fantastiques. Grâce à son vieil ami Bobbito Garcia (animateur de radio aux goûts avisés et découvreur de talent patenté) et par l’intermédiaire de son label Fondl’em, MF Doom peut envoyé une première salve de maxis. Il a enfin les gants en acier libre pour réaliser ses envies musicales sans la pression d’une major pour lui dicter ses choix. Ainsi se succèdent de 1998 à 2000, trois maxis vinyl de Doom. Le premier reste un moment important puisqu’il inclut le morceau Dead Bent, le premier qu’il ait posé depuis l’époque Kmd. Un Ep ainsi que deux maxi de Kmd vont aussi être pressés. La première occasion d’entendre quelques titres du défunt Black Bastards.
En 1999 sort Operation : Doomsday sur Metal Face Records où l’on retrouve les titres sortis en maxi et qui aura mis cinq ans à voir le jour. Le super vilain compense le manque de moyen par une débauche de trouvailles. Le disque oscille entre des titres aux sonorités synthétiques chères aux années quatre vingt et des pièces plus aventureuses à l’image de Tick, tick... avec son comparse MF Grimm où le tempo construit autour d’une boucle de violoncelle n’arrête pas de ralentir et d’accélérer. Des ambiances sombres et des moments plus soul s’interpénètrent, le flot de Doom venant donner une cohérence à l’ensemble. Les amis d’antan sont venu lui rendre visite ; ainsi Bobbito alias Le Concombre en Tranche qui vient délirer à la fin de Rhymes Like Dimes ou encore Kurious Jorge, un vieux partenaire de l’époque Third Bass qui poussait déjà de la voix sur les deux lp de Kmd. L’ombre du frère mort plane sur certains morceaux et seule une photographie au dos de la pochette permet encore de les réunir. Mais le disque ne sombre pas dans le nostalgique. Avec les années il a appris à tourner le négatif en positif. Le super vilain est en croisade, pour aider, selon ses propres termes, l’humanité dans la reconstruction d’un monde basé sur l’amour, la paix et le bonheur. Pour se faire, il s’est entouré de nouveaux compagnons d’arme, les Monstah Island Czars, une armada de mc’s qui incarnent chacun un monstre mutant aux pouvoirs surnaturels. Un univers qui fait co-habiter les comics Marvel et la cohorte de monstres des films de Godzilla. Une sacré bande d’allumés. Mais au vue du titre présent sur Doomsday l’album de la Monstah Island clique promet d’être des plus percutants. Metal Face Rec. doit également sortir l’album de MF Grimm The Down Fall Of Ibliys.
Doom semble vouloir rattraper le temps perdu. Atteint d’une boulimie créative, il travaille sur plusieurs projets discographiques simultanément, toujours convaincu de pouvoir guérir sa communauté des maux qui la ronge. Et cherchant surtout à faire entrer le hip hop dans une nouvelle ère. Et s’il avance masqué, c’est pour mieux se débarrasser des oripeaux de l’apparence pour mettre en avant la seule chose essentielle dans cette entreprise, la musique.
Le numéro 15 de la revue Scratch est disponible sur demande
au tarif de 12 euros + frais de port
(64 pages noir et blanc, couverture couleur, 2001)
en envoyant un mail à tony chez cafoutch.fr
Texte et dessins par JYB a.k.a. Boodylane
MF DOOM [1991-2003]
https://www.mixcloud.com/CAFoUTCH/mf-doom-1991-2003/
Sources
Interview de MF Doom in Soundicate
Pete Nice in Melody Maker février 1990.
F.X. Hubert in Art Press hs n°3 dec. 2000.
Some recent hip hop tracks selected by Boody Lane for Cafoutch :
Some hardcore, some sweets, some sexy vibes, some conscious lyrics, some real Mc’s out there, some sticky and funky joints, some mad scientists on the beats, some fun all along, « Cause ain’t no next life, so now I’m tryna live my best life, I’m livin’ my best life ».
01 DENZEL CURRY Ricky
02 STORMZY Vossi Bop
03 J.I.D Skrawberries
04 KARI FAUX Leave Me Alone
05 NONAME feat SMINO & SABA Ace
06 FREDDIE GIBBS & MADLIB Crime Pays
07 DANNY BROWN Best Life
08 A TRIBE CALLED QUEST Dis Generation
08 REDMAN Zugga
09 RAVYN LENAE Sticky
10 SKEPTA Bullet From A Gun
11 EMINEM feat ROYCE DA 5’9 & WHITE GOLD You Gon’ Learn
12 DENZEL CURRY & KENNY BEATS So.Incredible.Pkg
13 DANNY BROWN feat RUN THE JEWELS 3 Tearz
14 NONAME Self
15 MADVILLAIN Avalanche
16 MED, BLU & MADLIB Mad Neighbor
Vendredi 7 mars. 0h29. Quelques badauds encore sous le choc traînent leur mine hallucinée devant le Théâtre du Moulin alors que souffle un resquit du mistral de la veille. « Putain ! Qu’est-ce qui c’est passé ? » se demandent encore ceux que la consommation de gros spliffs n’a pas rendu totalement amorphes. Trois heures auparavant, quand les Roots ont investi la scène, tout semblait se passer normalement. Quelques classiques au programme, six ou sept compos du groupe jouées live, tout ce qu’il y a de plus naturel, quoi ! Puis soudain, ça a commencé ... et pendant l’heure et demie suivante, le bon millier de personnes présentes aura pu assister à un medley les plus incroyables de toute l’histoire du hip-hop, une espèce de gigantesque collage de mini-reprises qui allaient de Method Man à George Clinton en passant par ATCQ, Public Enemy, le Sugarhill Gang et plein d’autres bijoux old school oublié ou non-identifiable. Au milieu de tout ça, un solo de batterie bien senti d’un bon quart d’heure, un solo de basse apocalyptique sans oublier le clou du pestacle, je veux bien sûr parler de l’incontournable Godfather Of Noize Rahzel, the real Robocop of hip-hop... « Une putain d’overdoze de supa hip-hop dope shit directly injected dans tes vaisseaux sanguinolants, man ! » déclarait Radikul à un journaliste du Provençal. En d’autres termes, un concert qui restera longtemps gravé dans les mémoires marseillaises ...
Scratch
« Quels sont tes racines personnelles ? Quelle est la musique avec laquelle tu as grandi ? »
B.R.O.T.H.E.R. ?
« Je joue de la batterie depuis que j’ai deux ans. Mon père avait au moins 9000 disques. J’écoutais de tout : Bill Withers, Les McCann, Coltrane, Jackson 5, War ... Les ingrédients principaux étaient beaucoup de soul. Les dix premières années de ma vie je voulais être D J, même si je jouais de la batterie. J’ai acheté des platines pour m’entrainer, c’est pour ça que j’écoute plein de trucs différents. Mes deux grosses influences sont James Brown et Average White Band. »
« Pour le funk dans ton jeu … »
« Ouais, ouais …. »
« En parlant de jazz, vous avez été un des premiers groupes à inclure de vrais éléments de jazz dans le hip-hop. Je parle de vrai jazz, pas le jazz bien propre sur lui. »
« Je vois ce que tu veux dire … »
« Des mecs comme Steve Coleman, Joshua Redman et David Murray ont joué sur vos disques. Comment vous êtes-vous rencontré ? »
« Avec la majorité de ces mecs, on s’est rencontré en dehors de la musique, des soirées. On a appris à se connaître et j’ai fini par voir qui c’étaient. Steve Coleman, par exemple, était toujours chez mon manager qui était un des plus grands DJ de jazz de Philly. C’est comme pour Cassandra Wilson, on était assis sur un divan, un jour, et je lui ait dit en rigolant « On m’a dit que tu chantais un peu », et on sait très bien que c’est une des meilleures chanteuses du monde. En fait, on s’est rencontré comme ça et mon manager a fait en sorte qu’on travaille avec les bonnes personnes. »
« En parlant de jazz, est-ce que vous avez des notions d’harmonies parce que quand on écoute certains de vos morceaux les progressions sont faite d’accords assez complexes ? »
« Bien que j’ai appris moi-même à jouer de la batterie vers six ans, j’ai pris un prof. Et Hub, le bassiste, a été au conservatoire et a étudié la musique classique pendant les vingt premières années de sa vie. Kamal, le pianiste, vers cinq ans, son père lui a dit « Tu vas jouer du piano ». Il arrivait pas à la hauteur du clavier, mais jouait comme Duke Elligton. A nous tous, on a cent ans d’expérience musicale. »
« En parlant de batterie, qui sont tes batteurs favoris ? »
« Le grand Tony Williams qui vient de mourrir, c’est une de mes idoles, j’écoute « Papa » Jo Jones, Philly Joe Jones, Max Roach… »
« … une peu de Elvin .. ? »
« Ouais, bien sûr. Mais le batteur sur lequel j’ai polarisé est Steve Ferrone du Average Withe Band. John Bonham de Led Zeppelin, je l’ai vraiment accroché plus tard. Il avait un contrôle fantastique. J’ai des vidéos sur Led Zep’ et je n’avais jamais compris comment quelqu’un pouvait jouer pendant quatre heures durant. Il utilise toutes les parties de son corps, pour pas se fatiguer trop vite. »
« Connais-tu James Blood Ulmer (le guitariste d’Ornette Coleman), il a une chanson, « Jazz Is The Teacher, Funk Is The Preacher » et le Hip Hop c’est quoi ?
« Si le Jazz est le professeur et le Funk le prêcheur ... alors le Hip Hop c’est le fils adoptif. » (rires)
« Bonne réponse. C’est la dernière question de la série jazz. Parlons de David Murray, il a l’air très intègre vis-à-vis de la musique (Amhir acquiesce l’air grave). Il a déclaré « Pas de sample pour David ». Il a joué un solo assez long et vous en avez gardé que 50 secondes. Comment a-t-il réagi à ça ? »
« Les morceaux du CD ont un temps limité. On a essayé de caser ce morceau mais on n’a pas eu la place. Déjà le CD fait dans les 77 minutes. Cela nous a pris au moins neuf prises pour l’enregistrer. Je jouais de la batterie genre « Boum, boum, tchac » et lui était là « Hiiihh !! Hiiihh !!! (il imite un sax free) et nous sommes restés bouche bée. Il nous demandait si tout allait bien... et on se remettait à enregistrer. Il est hallucinant. On était presque mal à l’aise... J’avais vu David en concert à Paris en octobre. Il a un son tellement excellent que je recommande aux gens de le voir avant qu’il meure. »
« Maintenant que vous semblez avoir du succès, pensez-vous que vous pourriez perdre quelque chose ? »
« Pas vraiment parce que, encore plus que pour le jazz, ma préoccupation est que le hip-hop reste fidèle à lui-même. Déjà, celui que j’ai écouté en grandissant n’existe plus. On essaye de garder la flamme du hip-hop vivante avant même d’aller plus loin dans l’expérimentation. Le prochain album qu’on enregistre en ce moment devrait sortir en février 1998. Pour le titre potentiel, c’est Things fall apart. Ce sera notre meilleure album sans aucun doute. »
« On l’attend avec impatience. Est-ce que le concert de ce soir était en partie improvisé, avez-vous un fil conducteur pour le live ? »
« Oui, mais il faut réagir au public, si il nous demande une chanson, on suit. C’est ça qu’il y a de bien lorsqu’on est un groupe live, on peut changer le cours du concert selon l’humeur. Si on jouait avec DAT on pourrait pas faire ce genre de truc. »
« Sur les crédits de votre dernier album, vous dites que Black Thought est le seul rapper à être couché à une heure du matin, il est couché, là ? »
« On est tous 100% nocturnes. Moi, j’en suis au point ou je ne dors que trois ou quatre heures par nuit. Mais lui, il faut qu’il dorme bien, chez lui c’est un besoin physique. »
« D’après les crédits sur le disque, aussi, vous appelez votre mixeur / ingénieur du son, Bob "Allez les mecs" Power ou Bob "J’essaye de travailler moi" Power. Vous avez l’air de vous être amusé pendant l’enregistrement du disque. Comment était l’atmosphère en studio par rapport au précédent album Do you want more ??!!??
« En fait, pour Do you want more ??!!??? on a gaspillé plein d’heures... On était beaucoup plus disciplinés sur Illadelph Halphlife, c’était peut-être moins spontané mais beaucoup plus sérieux. Je le taquine un peu, Bob Power. J’aime bien écrire des commentaires marrants sur les disques pour les gens qui lisent tout de A à Z… »
« Pourquoi numérotez-vous les titres sur chaque disque où vous vous en étiez arrêtez sur le précédent ? Par exemple le dernier Roots va de 33 à 54 au lieu du traditionnel 1 à 24, par exemple. Est-ce pour rendre la tâche difficile de sélectionner les titres à la télécommande pour l’auditeur ou bien pour montrer la continuité dans votre œuvre. Jusqu’à quel numéro pensez-vous aller ? »
« Je serais satisfait quand on en sera à la chanson n°100. Mais sinon c’est vrai, Organix allait de 1 à 17, Do You Want More ???!!?? de 18 à 33, Illadelph Halphlife de 34 à 54 et Things Fall Apart ira surement de 54 à 70 en gros ... et on continuera le plus loin possible … »
« Votre premier album « Organix » est très difficile à trouver. Comptez-vous faire quelque chose, réédition ou quoi ? »
« Tu vois, on essaye de contrôler le maximum sur Organix. On pourrait facilement le lâcher à Geffen et eux ils le ressortiraient mais on aimerait en garder le contrôle. Pour l’instant on pourrait en ressortir un certain nombre. Si on avait $ 100.000 on pourrait en ressortir 400.000 copies, en ce moment on essaye d’économiser un maximum. C’est en train de se faire, c’est lent, mais ça arrive. Et Organix, c’est l’album que Geffen ne contrôlera jamais… »
« Est-ce que vous pensez un jour sortir un album exclusivement digital ? »
« En fait, c’est un de mes rêves ... Pour le cinquième album on fera un truc comme le Bomb Squad pourrait faire. Mais Things Fall Apart, notre quatrième album, sera le plus risqué, le plus musical et en fait celui qui sonnera le moins hip-hop des quatre premiers, pour le cinquième ce sera différent. »
« Pouvez-vous nous dire deux mots de vos collaborations, vous avez parlé d’Erykah Badu. Que pouvez-vous nous dire de votre collaboration avec Steve Williamson, DJ Krush ou Bahamadia ? »
« Steve, il est fou. Il est vraiment plus allumé que nous, c’est celui qui nous a donné le goût des rythmes composé, des trucs en 7/8 par exemple. On l’entend sur ses albums, il nous a ouvert l’esprit, lui et Greg Osby. C’est deux là on vraiment été essentiels pour nous tourner vers des choses moins conventionnelles. Avec Greg on a pas mal jammé pendant la période Organix. Quand à DJ Krush, c’est drôle, quand on travaille avec lui. Il parle pas anglais, nous pas un mot de jap, mais on a très bien communiqué par la musique. Bahamadia, on travaille sur son projet en cours son album s’appellera B. Girl Sessions. Décidément, ça vous fait pas mal d’exclusivité, rien que pour vous, personne d’autre ne le sait ... Elle devrait le sortir en septembre, elle a plein de monde sur l’album comme Chubb Rock, Funky 4+1, The Sequence, des gens de la old-school. »
« Ouais, en parlant de Old School, ce qui nous a aussi plu ce soir c’est que vous êtes un peu revenus aux sources. Juste le beat et la voix, y avait un côté à l’ancienne qui nous a fait plaisir. Est-ce que vous faîtes ça souvent en live, ou est-ce que vous réagissez au public ? »
« Avant, on le faisait pour le sport. Mais, en 1997, c’est une nécessité. Je ne me soucie pas vraiment de faire l’entertainer. Sur scène certains font les bêtes de scène et le public fait « Yeah ! ». Nous on fait aussi les historiens du mouvement, on l’enseigne aux gens. Ca peut sembler anecdotique, mais c’est important, l’histoire doit être connue des gens. Les Fugees font ça aussi, et c’est bien. »
« Comment vous situez-vous par rapport au Native Tongues ? (association de ATCQ, Jungle Bros., Black Sheep ….) »
« Nous, on en ferait partie mais pas officiellement (il se marre). C’est là que se trouvent mes groupes préférés. On est sur un titre du dernier Jungle Brothers et Q-Tip et moi on discute tous les jours, et avec Star Wars qui ressort je dirai que Tip c’est un peu mon Yoda personnel. Ali et moi sommes dans le même groupe. Ca, peu de monde le sait, mais Ali joue de la basse. On a commencé ce projet avec D’Angelo, Raphaël Saadiq de Toni Tony Toné, Ali Shahid Muhamed, Spanky le type qui joue les guitare sur What They Do et moi-même. On essaie de sortir un album et je serai sur le prochain album de D’Angelo. »
« Dernière question, question bateau ...Comment voyez-vous le futur du Hip-hop ? »
« Hmmm ... Bon, je vais essayer de ne pas être trop pessimiste. Je dirai pas que le hip-hop est mort mais ... si je le laissais mourrir dans mon esprit il le serait bel et bien. Je n’aime pas trop ce qu’il est en ce moment. »
Propos recueillis par DJ Stiff
interview parue dans la revue Scratch n°7, mars 1997.
From Where ? ? ?
[Big Beat / Atlantic / 1996]
Du hip-hop bien ficelé, la plupart du temps produit avec goût – si l’on excepte deux ou trois morceaux un peu douteux, tendance new-jack ou old school - , Mad Skillz a manifestement bien retenu les leçons de ses aînés. From where ? ? ? contient en effet plusieurs belles réussites parmi lesquelles Extra Abstract Skillz, un titre produit par Large Professor où l’on entend Q-Tip y aller de son petit speech. Un disque bien souple.
Grandmaster DJ-X (Scratch n°2 / 1996)
Dans les années 90, chacun de ces DJs pouvait s’enorgueillir d’avoir gagné un ou plusieurs titres de compétitions prestigieuses, à l’échelle nationale et internationale. En surnombre si on les compare à leurs grands frères du Rock Steady Crew, les Invisible Scratch Pickles, ce quadruple duo de MK2 semblait avoir pris au pied de la lettre le dicton « l’union fait la force ». Par le passé, vous aurez pu entendre certains des X-Men mixer pour les Jungle Brothers, Showbiz & AG, Artifacts, Larg Professor, The Beatnuts, Fat Joe, Sadat X, Lord Finesse, Akinyele et Common Sense... un curriculum vitae qui se passe volontiers de commentaires ! On aura du aussi supporter leurs méfaits sur plusieurs compilations capitales : Altered Beats (Axiom), Valis 2 (Ion), Subterranean Hitz Vol.1 (Wordsound), Deep Concentration (Om), ainsi que sur les deux volumes du Return Of The DJ (Bomb). De son côté, Rob Swift sortait un premier album solo, Soulful Fruit, sur lequel il invitait, outre ses inséparables collègues des X-Men, le Godfather of Noyze Rahzel et le fabuleux DJ Babu. Une tuerie !
Comme les Invisible Scratch Pickles, les X-Men avaient signé sur le label new-yorkais Asphodel. Comme nous l’explique le patron Mitzi Johnson, la politique de la maison est sans détour : « Nous avions déjà travaillé avec les X-Men par le passé, et ils avaient apprécié l’esprit du label, notre sens de la communauté. Asphodel est un label qui soutient des musiciens venant de milieux musicaux très différents. Avec les X-Men, nous n’avons eu qu’à nous tenir en retrait de l’action, à les regarder développer leur incroyable langage musical ». Les X-Men - rebaptisés X-Ecutioners pour l’occasion - sortaient donc un premier album chaud-bouillant intitulé X-Pres-sions, une œuvre unique que l’on qualifiera de... collective. En effet, n’hésitant pas à jouer de huit platines à l’unisson, nos quatre super-DJs créent la surprise quand l’un se charge de la ligne de basse, les autres s’occupant respectivement du beat, des cuivres et des scratches ! Lorsqu’ils invitent quelques MCs à venir s’exprimer sur leurs versions mutantes, le résultat est un rien plus conventionnel, quoique d’une grande fraîcheur. Ainsi se croisent les raps poétiques sans rimes obligées de Halex the Armageddon (Poetry in motion) et les flows techniques de Gudtyme (sur le single Musica negra) épaulé par Pliz, World, Kukoo ou encore Creature, Taboo, E-Bros et Anikke. Les représentants du hip hop lorgnaient de plus en plus vers les tentatives expérimentales de leurs collègues...
Grandmixer DJ X vs. MC Kopath
Rob Swift « Soulful Fruit » (Stones Throw)
X-Ecutioners « X-Pressions » (Asphodel)
X-Men « Musica Negra - EP » (Asphodel)
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