Mundial

Ma-kossa !

Pop Makossa : The Invasive Dance Beat Of Cameroon [1976-1984]

Attendue comme le messie, la bombe Pop Makossa vient de sortir grâce au travail de fond du label Analog Africa. Une des particularités de cette compilation est son livret : 24 pages remplies de photos et d’interviewes réalisées par le collègue Deni Shain. On vous a traduit ici les premières pages d’introduction.

STUDIO MAKASSI

Quand je suis descendu de l’avion à Douala, j’ai été accueilli par un vent chaud et un prénommé Claude Fabo. Claude, homme respecté pour avoir travaillé avec de grands artistes – comme Franco, Tabu Ley and Sam Fan Thomas – allait m’aider à naviguer dans cette ville, à la fois chaotique et étincelante, durant un mois, pour interviewer des musiciens. Claude savait immédiatement où débuter : « Il faut commencer par Akwa »


. Akwa, aussi connu sous le nom de Quartier Des Artistes, figure parmi les quartiers les plus anciens et importants de Douala, et a toujours été le cœur musical de la ville. Des boîtes de nuit aux maisons de production, en passant par les magasins de disques et studios d’enregistrement, tout avait lieu ici, comme peuvent en témoigner les anciens qui se souviennent encore des soirées endiablées passées dans les discothèques et autres cabarets. C’était dans ce même quartier que Sam Fan Thomas, connu pour avoir produit un des albums les plus populaires d’Afrique, avait installé les Studios Makassi. Je ne savais pas à quoi m’attendre en rencontrant cette légende, mais il s’est révélé être l’un des types les plus sympathiques que j’ai eu la chance de connaître durant mon périple. Sam nous a accueilli chez lui avec le sourire et une bière fraîche à la main, nous a raconté l’histoire de Makossa, au fil des photos accrochées à son mur et qui représentaient pour lui des souvenirs inoubliables.

« C’était le bon temps – bonne musique, belle époque. Nele Eyoum, le guitariste de l’orchestre Negro-Styl est le type qui a inventé le Makossa. Nelle criait « Kossa ! Kossa ! » pour encourager les gens à danser. En douala « Kô » veut dire « se baisser » et « Sa » signifie « danse ». Nelle invitait donc les gens à se baisser dans la danse et à bouger. Les gens ont commencé à dire « Allons en boîte, ils jouent ma kossa ce soir » et le nom est resté. »

MAKOSSA – URBAN HYBRID OF SORTS

Les origines du Makossa prennent racines dans les traditions de la tribu Sawa, une tribu de la côte de Douala et dont la langue donne au Makossa son piquant. Le Makossa fut inspiré par les nombreux styles musicaux des sawaiens et en particulier par Assiko, Bolobo et Essewé, une danse psychothérapeutique pratiquée seulement lors des enterrements pour exorciser la douleur due à la perte d’un être cher.

Il flottait dans l’air un parfum de révolution lorsque le Makossa moderne émergea au début des années 50. En même temps que le pays luttait pour l’indépendance et l’idée de négritude telle que l’a décrite Léopold Senghor, des bars clandestins commençaient à s’ouvrir un peu partout, vendaient des boissons locales comme le bili-bili, la bière Kwata et le vin de Raffia, et donnaient ainsi aux musiciens une scène sur laquelle jouer. Avec la diffusion de l’électricité et l’arrivée d’équipements musicaux nouveaux, Nelle Eyoum et d’autres pionniers forgèrent l’identité du Makossa. Ils définirent les codes musicaux des générations à venir. La seule règle était que chaque style de musique susceptible d’améliorer le son préexistant devait être ajouté. C’est précisément cela qui a rendu le Makossa si populaire : sa capacité à absorber et à intégrer différents genres musicaux.

Le genre musical qui a, plus que tout autre, influencé le son du Makossa était la rumba congolaise. La Rumba, qui avait déjà émergé au Cameroun grâce à la très populaire radio Léopoldville, basée dans ce qui est maintenant Kinshasa, fut créée par les esclaves africains de Cuba ; elle était la musique des travailleurs immigrés et des populations urbaines pauvres, et est elle-même issue de la fusion de différents sons, parmi lesquels le Calypso, le Merengue, le Biguine antillais et le Fandango espagnol. Depuis Cuba, la Rumba retraçait la route du commerce triangulaire des bateaux d’esclaves et, cela, jusqu’aux ports de départ situés en Afrique de l’ouest et au Congo. A cause de son association à la lutte pour l’indépendance africaine, la Rumba se répandit à la vitesse de la lumière dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne. Des générations de musiciens camerounais grandirent en étant bercés par la musique de virtuoses de la guitare, comme Vicky Longomba, Franco ou Docteur Nico pour n’en citer que quelques-uns. De nombreux riffs à la guitare de Makossa étaient simplement des riffs de Rumba retravaillés !

En plus de la Rumba, deux styles musicaux ont fortement influencés le Makossa : le Merengue venant de République Dominicaine et le High-Life importé du Ghana et du Nigeria. Le Makossa était hybride et urbain. En fusionnant les rythmes populaires du Cameroun avec les styles de danse de la ville, des groupes révolutionnaires comme Les Negro-Styl, Uvocot Jazz et Los Cavinos, menés par la volonté de Lobe Rameau et de Mouelle Guillaume, furent le fer de lance du mouvement Makossa et établirent de nouveaux standards en matière de musique.

Si le Makossa pouvait être mis en équation cela donnerait : Bolobo + Essewé + Assiko + Congolese Rumba + Merengue + High-Life = Makossa.

Clement Djimogne aka Mystic Djim 1990 in Yaoundé

MAKOSSA EXPLOSION

Entre 1965 et 1975, une seconde génération de musiciens fit son apparition parmi laquelle on compte Willy le Pape, Eboa Lottin, Ebanda Manfred, Charles Lembe, Jean Dikoto Mandengue, Francis Bebey, Georges Anderson et Charles Ewandje. Non seulement, ces artistes avaient une base sur laquelle construire mais ils avaient également reçu une éducation musicale.

Tout comme il avait absorbé les styles Rumba et High-Life une décennie auparavant, le Makossa commença à intégrer des éléments Funk. « La musique de James Brown a eu un énorme impact au Cameroun » comme le précise Bernard Ntone, saxophoniste dans le groupe de Manu Dibango, « Aucun mariage ne pouvait se dérouler sans que la chanson ‘ Say it Loud – I’m Black and I’m Proud’ soit jouée ; tous les groupes devaient donc savoir jouer la musique de James Brown. Résultat : on pouvait clairement entendre l’influence du funk dans la musique Makossa, que ce soit dans la ligne de basse, dans le son des cuivres ou dans le beat ».
L’un des musiciens les plus fortement influencés par le funk était Manu Dibango, dont la chanson extrêmement populaire Soul Makossa a flirté avec le top du hit-parade aux Etats-Unis et a été un point tournant pour le Makossa. Même si le seul point commun entre la chanson et le Makossa reposait sur le nom, l’impact promotionnel fut phénoménal pour ce dernier : les gens qui jusque là n’avaient jamais entendu parler du Makossa en redemandaient.

Et bien entendu, d’autres musiciens comme Ekambi Brillant, Tim & Foty, Jules Kamga, Pasteur Lappé et Elvis Kémayo se sont dit « Si Manu y arrive, pourquoi pas nous ? ». Et soudain, de nouveaux rythmes sont apparus par douzaines : Disco Makossa, Funky Makossa, Pop Makossa, Salsa Makossa, Smurf Makossa, Soukous Makossa, Love Makossa, Jazz Makossa, Soul Gandjal, Soul Mangambeu, Soul Mendzong, Soul Assiko et bien d’autres.

La troisième et dernière génération du Makossa, qui compte des légendes telles que Nkotti François, Emile Kangue, Misse Ngoh François, Ngalle Jojo, Eko Roosevelt et le tout puissant Black Styles, a développé un style de Makossa moderne dont l’instrument principal est la guitare. Pour obtenir ce son si particulier qui les caractérisent, la nouvelle génération d’artistes a mis au point une technique permettant aux musiciens de jouer plusieurs notes à la fois. Charles Ewandje, Eboa Latin, Vincent Nguini and Nguime Manulo maîtrisaient tous cette technique. Cependant, le guitariste qui a vraiment été la pierre angulaire de ce changement de style est Toto Guillaume. Toto, aussi connu sous le nom de Toguy, est devenu une véritable star avec les Black Styles de Nkotti François au milieu des années 70, ce qui l’a amené par la suite à Paris, où il a étudié la musique et est devenu le meneur de l’Equipe Nationale du Makossa.

Avec le succès du Makossa, les producteurs commencèrent à investir dans de nouvelles technologies et à faire importer toutes sortes de synthétiseurs qui, plus tard, rendirent le son du Makossa plus adapté pour les boites de nuit.

LES MAISONS DE DISQUE ET LES PRODUCTEURS DE DOUALA

Les bureaux du label Tamwo Records, l’un des plus importants de Douala, est situé dans le même bâtiment que les Studios Makassi. Lorsque son fondateur, Isidore Tamwo, a appris que quelqu’un venant d’Europe faisait un documentaire sur la musique camerounaise à l’étage d’en dessous, il s’est empressé de descendre pour prendre part à la conversation.

« C’était de la folie dans le temps, les gens venaient danser devant mon magasin de disques…avant de sortir en boite ! C’était la grande époque. Quand j’ai commencé à produire de la musique ici, il n’y avait pas de presse de disques. On devait enregistrer la musique ici et envoyer les bandes en France où les disques étaient produits et réexpédiés au Cameroun. Jean-Paul Mondo, Sam Batcho, Djene Djento et Mister Bibi font partie des plus célèbres artistes de mon label. En particulier Sam Fan Thomas qui a eu un succès spectaculaire avec son album « African Type Collection », le disque le plus vendu dans l’histoire du Makossa. »

Un autre label important était Disques Cousins fondé en 1976 par Mathias Njoga. Le premier disque qu’il ait produit était un enregistrement sur quatre pistes pressé à Kinshasa avec l’aide d’un stewart travaillant pour Cameroon Airlines qui avait accepté d’amener le disque original au Congo. En une année, le label est devenu beaucoup plus important, produisant des artistes comme Salle Jhon, Atangana Pascal, Ebongue Edouard, Tokoto Ashanti pour ne citer que quelques noms.

On peut également citer le label Chic Sound fondé par Nicholas Mongué dont le chef-d’œuvre Resurrection du groupe Los Camaroes, produit en 1978, fut enregistré en live sur un deux pistes au Mango Bar à Yaoundé. Chic Sound a aussi produit Djoumbissie Gérard, Dussalo, Manuel Guysso, Richard Band de Zoété, Valère Ebéné Maxime, Philipe Eteki et Lobé Lobé Emmanuel.

Un label important pour le Makossa était Africa Oumba, fondé par Wonga Jules Patrick en 1979. Il a produit Ange Ébogo Émérant, Axel Mouna, Aloa Javis, Jean Paul Mondo and Eyoto Norbert. Mais son plus gros succès fut l’album Makossa Dikom Lam La Moto d’Emile Kangue, chanteur et bassiste du groupe The Black Styles, qui devint l’un des disques les plus vendus de 1981.

Et finalement il y avait les productions Lanceleaux-Foty qui ont produit Sala Bekono, Kon Mbogol Martin, Effa Paul, Dikoto Mandengue, Charly Nelle, Ekwe Silo, Charly Bokher, Jo Bayi, Gapitcha, Cella Stella, Bikoi Joseph, Roger Etia Atebass, et le groupe incontournable Les Têtes Brulées.

Tous ces labels, à l’exception de quelques-uns, devaient faire fabriquer leurs disques à l’étranger jusqu’en 1973, date d’ouverture de l’usine de pressage de disques, au Bénin, par la Satel (Société Africaine de Techniques Electroniques). Cette dernière a totalement changé la donne. Des labels commencèrent à fleurir un peu partout au Cameroun, et plus particulièrement à Douala, la capitale du Makossa.

Nicholas Mongué du label Chic Sound se rappelle de la complexité du processus de production : « Les pochettes de disques étaient imprimées à Lagos (Nigéria) et, comme la route était courte, nous les transportions en voiture jusqu’aux locaux de la Satel, à Cotonou, où tout était assemblé. La plupart d’entre nous a travaillé avec Satel jusqu’en 1980, lorsque Paul Bayi, producteur de films, a importé une presse à vinyle de France et a ouvert une usine. Malheureusement, l’usine a fermé cinq ans après, lorsque Bayi l’a abandonnée pour se concentrer sur sa carrière politique. La presse fut démantelée et le métal recyclé. » raconte Mongué.

A ce moment là, le Makossa avait commencé à se faire un nom à l’international, et des groupes qui jusqu’ici ne se produisaient quasiment qu’au Cameroun commencèrent à faire des tournées à l’étranger et plus particulièrement à Paris.

Olinga Gaston, Théodore Essama, Kofana André, Bernard Ntone
at Studio Decca in Paris 1976

MAKOSSA GOES TO PARIS

Les musiciens camerounais faisant des tournées en Europe ont changé la face du Makossa à jamais. A cause principalement des facteurs économiques, les ressources culturelles camerounaises étaient dans un état de crise constante, depuis l’indépendance du pays. A Paris, en revanche, il y avait non seulement des boites de nuits, des labels et des studios d’enregistrement aux infrastructures plus avancées, mais aussi des musiciens studios (appelés requins) à foison, venus en Europe, pour la plupart, afin d’étudier la musique.

Les musiciens camerounais, et plus particulièrement les bassistes, ont progressivement imposé leurs noms dans l’industrie du show-business international, si bien qu’on parlait de dynastie de bassistes camerounais. Manfred Long, Joe Tongo, Jeannot Karl, Dikoto Mandengue et Richard Bona font partie de la longue liste de bassistes ayant fait leurs armes en jouant du Makossa. Alors que certains comme Jean-Paul Lietche, sont restés au Cameroun, beaucoup d’autres sont partis s’installer à l’étranger, où les conditions de travail étaient meilleures.

Le succès international du Makossa, et la makossamania qui s’en est suivi, étaient principalement le fait d’un petit groupe de musiciens parisiens de haut vol, connus sous le nom de l’Equipe Nationale du Makossa. Cette équipe est très vite devenue une machine à faire des hits, faisant en moyenne cinquante disques d’or par an. Elle représentait un idéal pour tous les jeunes musiciens en herbe. Deux des meilleurs morceaux de cette compilation, à savoir Mongele Mam de Eko Roosevelt et Nen Lambo de Bill Loko, furent enregistrés avec des membres de l’Equipe Nationale et montrent bien l’étendue de leur talent.

Les premiers musiciens du groupe étaient Manu Dibango, Jean Dikoto Manengue à la basse, Eko Roosevelt au piano, au synthétiseur et à l’arrangement et Claude Vamur aux percussions. Mais d’autres musiciens parmi lesquels Toto Guillaume à la guitare et à l’arrangement, Aladji Touré à la basse et à l’arrangement, Vicky Edimo à la basse, Jean-Claude Naimro au piano et au synthétiseur, Ebeny Donald Wesley aux percussions et Jean-Marie Ahanda à la trompette, se sont greffés au groupe d’origine pour en former un second. C’est ce dernier qui fera vraiment rayonner le Makossa en faisant des duos avec des stars comme Dina Bell, Bill Loko, Guy Lobe, Pierre de Moussy, Ben Decca pour ne citer qu’eux.

Malgré leur succès, les relations au sein du groupe n’avaient rien d’un long fleuve tranquille : l’équipe était déchirée par une guerre des chefs entre Toto Guillaume (Toguy) et Aladaji Tourré, les deux arrangeurs. Lorsque les tensions furent dissipées, tout ce qu’il restait était une rivalité malsaine entre les pro-Toguys et les pro-Tourés, chose que de nombreuses personnes regrettent, Touré y compris.

« Nous avions bâti une équipe solide qui jouait avec pratiquement tous les artistes qui venaient enregistrer un disque en France. Les artistes étaient proches, il y avait une vraie cohésion d’équipe… jusqu’à ce que le groupe soit atteint du ‘virus’ camerounais. Avec les camerounais c’est toujours la même chose. Quand tout va bien, il y a de la jalousie, les gens s’opposent à toi. Le résultat est un climat glacial, vous ne pouvez pas imaginer. Tout s’est écroulé, on a arrêté de jouer ensemble et chacun s’est retrouvé de son côté. »

L’éclatement du groupe a eu des conséquences catastrophiques pour le Makossa, qui ne s’en est jamais vraiment remis. Sa majesté Eko Roosevelt, empli de nostalgie en pensant à l’esprit collaboratif qui régnait autrefois et atterré par l’individualisme qu’il voit aujourd’hui, fait remarquer avec ironie :
« Bien avant le football camerounais, le Makossa avait réussi à unir le pays entier autour d’une identité forte. Mais comme pour les Lions Indomptables, le succès dépend de l’esprit d’équipe et de l’unité entre les membres. Malheureusement, certains artistes Makossa devinrent cupides. Dès le premier hit, ils abandonnaient leurs collaborateurs pour pouvoir se vanter d’être à la fois l’auteur, le compositeur, l’arrangeur, le leader, le musicien, le producteur, le distributeur, etc. Cette hyper concentration des rôles crée seulement des stars au talent artistique discutable, au détriment du produit final ».

AMENE MOI A YAOUNDE

Bien que Douala soit la capitale du Makossa, beaucoup des musiciens que l’on souhaitait interviewer vivaient maintenant à Yaoundé. Et comme à Douala, la vie nocturne de Yaoundé avait aussi en son temps été portée par les sonorités du Makossa. Aux heures de gloires, les cabarets étaient pleins chaque nuit et chacun avait son groupe. Les Tulipes Noires jouaient au Philanthrope, Messi Martin et les Camaroes au Mango Bar, Elanga Maurice au Passo bar, les Denga Boys à l’hôtel Aurore, Pierre Didy Tchakounte était au King’s Bar, et les Big Vultures encore ailleurs ; le Black & White recevait régulièrement des artistes étrangers tels que Amara Touré, et le palace Mont Fébé était l’endroit où Johnny Black, le James Brown camerounais, avait l’habitude de chanter.

Sachant tout cela, je décidais de prendre le prochain bus pour Yaoundé. Claude m’avait mis en contact avec Marcel Talla, un saxophoniste tenor respecté, qui travaille à la Radio et Television Camerounaise (CrTV). Celui-ci était féru de musique, et connaissait beaucoup de monde dans le milieu. « Je te mets entre de bonnes mains », m’a-t-il dit avant que je prenne mon bus, « avec lui tu trouveras tout ce que tu veux ».

Claude ne m’avait pas fait de fausses promesses... Un jour, et de nombreux appels plus tard, nous avions déjà retrouvé le légendaire bassiste Jean-Paul Lietche, qui m’amena à la maison de Clément Djimogne, connu aussi sous le nom de Mystic Djim, à l’origine de tubes innombrables : avec un simple enregistreur quatre pistes il créait, d’un coup de génie, des morceaux qui surpassaient même les grands studios de la Radio Nationale Camerounaise…
Avant d’arriver à Yaoundé, je fis également un arrêt important à Kribi, afin de rencontrer l’enfant prodige de la musique camerounaise, sa majesté Eko Roosevelt…

Ces histoires, et tant d’autres, sont reportées dans le livret de la compilation « Pop Makossa ». Entre temps, attachez bien vos ceintures, ajustez vos platines, et savourez ce groove trip qui vous transportera dans les contrées du Makossa….

  Yaounde Girls 

Mystic Djim & The Spirits

Traduction Marie Caffarel
Corrections Pola Abdul
Interviews par Déni Shain
Ecrit par Samy Ben Redjeb et Adz
Edité par Jesse Simon
Remerciements tout particuliers à Jean Maurice Noah
Ecrivain du livre « Le Makossa : Une Musique Africaine Moderne »

Reggae - Dub

KEITH HUDSON

Keith Hudson est peut être le producteur le plus injustement méconnu de (…)

À la fin des années 60, Clement « Coxsone » Dodd, Duke Reid et, dans une moindre mesure, Leslie Kong occupent les premières places dans la production musicale en Jamaïque. Mais leur suprématie est bientôt ébranlée par l’arrivée d’une nouvelle génération de producteurs. Prince Buster, le seul a avoir sérieusement inquiété Dodd durant les sixties, s’est depuis recyclé dans le business de juke box. Parmi ces nouveaux producteurs, dont beaucoup ont déjà travaillé pour Dodd en particulier, on trouve Clancy Eccles, Lee Perry, Lloyd Daley, J.J. Johnson, Winston Riley, Joel Gibson, Bunny Lee et Derrick Harriot, sans oublier Sonia Pottinger, la seule personnalité féminine importante impliquée dans la production musicale jamaïcaine. Tous sont responsables de l’évolution du reggae depuis le rock steady des années 66/67. En 1970, ils sont rejoints par de nouvelles têtes, une seconde génération de producteurs en fait, parmi lesquels Keith Hudson qui se hisse à la première place en Jamaïque avec sa toute première production, la chanson

  Old Fashioned Way 

de Ken Boothe, et qui produira par la suite certains des disques reggae les plus importants du début des années 70.

Keith Hudson est né dans une famille de musiciens en 1947. Adolescent, il est un des disciples du Downbeat, le sound-system de Clement « Coxsone » Dodd. Des artistes comme Prince Buster, Eric « Monty » Morris, Stranger Cole et Derrick Morgan font une grande impression sur le jeune Hudson. En effet, son premier hit est l’œuvre de l’ancien partenaire de Stranger Cole, le chanteur Ken Boothe. Ce hit sera suivi par d’autres : Never Will I Hurt My Baby de John Holt et One One de Delroy Wilson.

Hudson porte alors son attention sur les nouveaux deejays qui, suite au succès de King Stitt, commencent à avoir accès aux studios d’enregistrement. Il enregistre tout d’abord Dennis Alcaponne dans des titres comme Maker Version, sur lequel Dennis utilise pour la première fois ses célèbre lyrics El Paso, puis dans une série de disques excellents : Revelation Version, Shades Of Hudson et Spanish Amigo (peut être le meilleur des premiers enregistrements du deejay). Après ce brillant départ, Dennis continuera dans cette voie - inimitable ! -, comme sur la version du Old Fashioned Way de Ken Boothe. Ce riddim, avec une ligne de basse légèrement modifiée et l’addition du sax ténor de Val Bennett, servira aussi de base au troisième enregistrement de U Roy, Dynamic Fashioned Way. Ce morceau, réalisé avant les célèbres enregistrements de U Roy pour Duke Reid, est aujourd’hui considéré, comme un grand classique. Avec les autres titres de Dennis Alcapone enregistrés par le producteur Dynamic Fashioned Way confirme l’intérêt de Keith Hudson pour les deejays.

En 1972, le deejay Big Youth voit sa carrière faire un bond en avant lorsqu’il enregistre S.90 Skank pour le producteur, toastant sur la version de True True To My Heart, un titre chanté par Hudson lui-même. Ce morceau est un autre grand classique et on peut le trouver sur l’album The Best of Big Youth / Every Skank (Trojan). A cette époque, Keith Hudson commence réellement à s’imposer comme un innovateur dans son domaine. Dans

  Satan Side 

, un titre enregistré sous son nom, la combinaison formée par sa voix bourrue, la trompette déchaînée de Johnny Moore et la rythmique bourrée d’effets dub ne ressemblait à rien d’existant jusqu’alors.

Autres classiques dûs aux soins du producteur : l’instrumental Riot et sa version toastée par U Roy ; le superbe Don’t Think About Me de Horace Andy, dont la version sera reprise par deux deejays, Jah Woosh et Dino Perkins, et par Hudson lui-même ; The Exile Song des mystérieux Skiddy & Detroit, un titre qui reprend la mélodie de House Of The Rising Sun et dont il existe une version dub intitulée Michael Talbot Affair...

Pendant toute cette période, Keith Hudson sort beaucoup de disques sur ses propres labels en Jamaïque : Mafia, Rebind, Imbidimts et Tell A Take Records. Mais vers le milieu des années 70, il délaisse la production pour se consacrer plus spécifiquement à sa carrière solo. Il enregistre ainsi plusieurs albums en tant que chanteur : Class And Subject, Furnace, Flesh Of My Skin, Torch Of Freedom, Too Expensive, Rasta Communication... Il réalise aussi deux albums dubs excellents : le classique Pick A Dub et Brand version dub de l’album Rasta Communication. Pour la plupart, ces albums montrent les capacités vocales limitées de Keith Hudson, et l’influence du rock notamment, mais aussi d’autres musiques, se fait ressentir dans la composition des riddim.

En novembre 1984, à l’âge de 38 ans, Keith Hudson meurt d’un cancer du poumon. Il fut, sans aucun doute, l’un des plus grands producteurs de reggae, et l’œuvre qu’il enregistra, en particulier dans la première moitié des années 70, lui a assuré une place de choix dans l’histoire de la musique jamaïcaine.

Jah Lucin (Scratch n°3 / 1996)

Albums à écouter
« Studio Kinda Cloudy » (Trojan)
« Pick A Dub » (Blood & Fire)
« Brand » (Pressure Sounds)

Hip Hop

DXT

1997. Après vingt années de scratches et de mixes aventureux, DXT a.k.a. Grandmixer D. St. restait attaché à une certaine idée old school du DJing. Interview passionnée d’une personnalité qui aime à jouer le rôle de trait d’union entre tradition et expérimentation.
Sa renommée, il la doit surtout à Rock It, ce morceau d’Herbie Hancock qui, en 1983, mit la planète à l’heure de la break-dance. A cette époque, Grandmixer D. St. est un DJ très actif et il enregistre abondamment pour son mentor Bill Laswell. On le retrouve ainsi crédité sur de nombreux disques (de Sly & Robbie à Jalal des Last Poets en passant par... Manu Dibango), profitant - ou subissant - l’éclectisme visionnaire du producteur. Sans jamais avoir cessé ses activités, Grandmixer D. St. (devenu entre-temps DXT) a repris le chemin des studios depuis quelques années, et c’est toujours sous la direction de Laswell qu’il participe à des projets plus anticonformistes les uns que les autres. Le dernier en date : Elixir, un étrange trio de DJs/producteurs qu’il dirige de main de maître. Mais avant d’aller plus loin, et comme pour ouvrir les hostilités, DXT nous fait l’honneur d’un petit flash-back old school sur ses débuts dans le métier...

DXT
« Ma carrière de DJ a commencé dans les années 70, quand j’ai voulu m’acheter une paire de platines après avoir vu un DJ qui s’appelle Kool Herc. C’était un des premiers DJs à ne pas passer les morceaux en entier. Il prenait le meilleur de chaque chanson et il le mixait. C’est une légende dans le Bronx car c’était le seul à faire ça. Avant de le voir sur scène, tout le monde en parlait comme d’un phénomène, le génie des platines. J’ai eu l’occasion de le voir et ça a tout déclenché. Mais j’ai toujours été intéressé par la musique. Avant d’être DJ, j’étais batteur et je jouais beaucoup avec des groupes locaux. Quand j’ai entendu parlé de DJ Herc et que j’ai eu l’occasion de le voir... Ce type remplaçait un groupe entier à lui tout seul, uniquement avec une paire de platines. C’était la première fois que quelqu’un faisait ça dans notre communauté. La première fois que je l’ai vu, ça m’a vraiment impressionné. C’est comme ça que j’ai détruit la stéréo de ma mère et pas mal de ses disques, en essayant de le copier ! Puis j’ai trouvé un boulot au Mc Donald, et j’ai travaillé pour m’acheter ma première paire de platines. J’ai ensuite mis cinq mois pour me payer une mixette. Avant d’avoir ma propre paire de platines, j’utilisais le matériel d’autre DJ’s. A l’époque, je faisais plein de soirées. Je quittais le boulot et j’arrivais dans les soirées avec mon uniforme Mc Do, et je prenais les platines. Quand j’ai pu m’acheter mes propres platines, la première, je l’ai sortie de la boîte, je l’ai branchée et je n’ai fait que la regarder. Pendant cinq mois, je n’ai fait que les regarder ! Quand j’ai eu ma mixette, pareil, je l’ai installée et pendant un an, je n’ai fait que regarder mon matériel. J’avais l’impression d’être comme les savants fous au cinéma. Grâce à mon matériel, je n’avais plus besoin de celui des autres et j’ai commencé à faire mes propres soirées. Il y avait une bande de MCs qui m’accompagnaient dans les soirées, et ensemble, on formait une sorte de groupe. En fait, c’était juste un continuation logique de ce que j’avais dans l’idée. Au départ, j’étais batteur, et les platines m’ont juste permis de continuer dans mon idée d’être un musicien. Et j’avais toujours ce désir de jouer de la batterie. J’entends toujours les choses avec l’oreille d’un batteur. Pour moi, le tempo est très important, c’est vraiment un élément capital dans la musique. Puis les choses ont évolué... Après avoir joué dans plusieurs clubs, après que les gens aient commencé à parler de moi et à venir me voir sur scène... Le hip-hop est devenu commercial et tous ces gens plein de frics ont commencé à s’intéresser à cette musique. Ils ont commencé à se demander comment faire du fric à partir de là, sur notre dos, à partir de nos concepts et de nos idées. Dans le ghetto, on ne savait pas trop comment s’y prendre. Ce qu’on voulait, c’était s’amuser, faire notre truc. Comme on voulait que les gens s’amusent, on a accepté pas mal d’offres d’autres personnes qui ne pensaient, elles, qu’à faire du fric. Moi, le petit DJ du ghetto tout naïf, j’ai commencé à accepter pas mal de choses et finalement, j’ai tourné dans un film qui s’appelle Wild Style. Je devais aussi jouer dans un autre film, Beat Street. L’histoire de ce film, c’était en fait la mienne, ils ont vraiment copié ma vie. Comme le caractère principal du DJ était basé sur mon histoire, j’allais faire ce film. Mais finalement, j’ai décidé de ne pas le faire parce que je voulais partir en tournée. A ce moment là, Herbie Hancock m’avait proposé de partir en tournée avec lui. Un peu avant, j’avais participé à l’enregistrement de Rock it. Cette tournée me branchait bien, c’est pour ça que j’ai accepté tout de suite... et le film s’est fait sans moi. Voilà, c’est à peu près ce qui s’est passé dans les années 70 et 80, c’est un peu un résumé de ma carrière de DJ. Après ça, j’ai fait des trucs à droite et à gauche et je suis devenu de plus en plus connu. »

Scratch
« Peux-tu nous parler de Bill Laswell ? »

« Je connais Bill depuis 1981. Notre histoire est connectée avec Herbie. A l’époque, j’étais DJ à New-York, et comme je commençais à avoir une certaine renommée, on m’a demandé de jouer à Paris et un peu partout dans le monde. J’adorais ça. Puis, j’ai rencontré Jean Karakos (patron du label Celluloid. Ndlr) qui m’a lui-même présenté Bill. Et depuis, c’est la fête tous les jours. C’est démentiel. »

« Comment ressens-tu l’explosion actuelle de la scène des DJs, étant donné que tu as été le premier à sortir un album solo en tant que DJ (« Real deep » en 1984. Ndlr). Tu vois ça comme un phénomène de mode ? »

« Je ne pense pas que mon premier album soit vraiment un album de DJ. En fait, j’y ai fait de la musique plus traditionnelle. DJ Spooky, je ne l’ai pas encore vu sur scène mais à toutes les personnes à qui je demande ce qu’elles en pensent, toutes me répondent « C’est pas vraiment un DJ ». Du moins c’est ce que j’ai entendu, je serais assez intéressé de le voir jouer. Personnellement, j’aimerais revenir à un travail de DJ plus pur, plus traditionnel, faire le tour des boites et passer mes disques. Il y a quelques semaines, j’ai assuré les platines dans un club, The Kitchen. Je n’ai pas fait de scratches, j’ai juste passé mes disques comme un DJ de boite de nuit. De ce fait, je suis assez intéressé par ce que font d’autres personnes dans ce domaine... comment elles évoluent, comment elles préparent leurs shows. Moi, je m’intéresse plutôt aux bases du DJing. Mon truc, c’est de passer des disques et de faire bouger les gens. Le gars Spooky, je serais curieux de le voir sur scène, parce que beaucoup de gens en parlent et que j’ai lu pas mal de choses à son sujet. Certains disent que c’est le meilleur DJ du moment, d’autres que c’est pas vraiment un DJ, et moi j’aimerais me faire ma propre idée sur la question. Beaucoup de DJs ne le considèrent pas comme un DJ… »

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »

« Des gens m’ont dit qu’il n’avait aucun talent. Pour un gars qui prend l’appellation de DJ, ça serait un peu le Canada Dry du DJ... Mais j’aimerais bien le voir de mes yeux avant de le juger. C’est vrai qu’il a une mauvaise presse en ce moment, et il jouit d’une mauvaise réputation auprès des autres DJs. Tous ceux à qui j’ai pu parlé m’ont dit que ce type-là n’avait aucun talent, qu’il était vraiment bidon. En plus, ils ne peuvent vraiment pas le sentir. »

 « Ne penses-tu pas plutôt que Spooky est vraiment un très bon DJ, et que tous les autres DJs sont jaloux de lui ? »

« Ouais, c’est peut-être la vérité, c’est peut-être le meilleur DJ de cette putain de
planète... J’ai lu un article sur lui dans lequel le journaliste le descendait en flèche, il disait que c’était un gros nullard... il l’a carrément détruit… »

« Spooky a répondu à cet article… »

« Il a mal répondu à cet article, qui était une attaque directe à sa qualité de DJ. Des interviews, j’en fais très peu moi-même. J’ai peur qu’on m’attaque et qu’on ne me prenne pas en considération, qu’on ne prenne pas en considération mon talent ou du moins mon art. Je n’ai pas envie qu’on me descende comme on a descendu DJ Spooky. Même s’il est nul, ce n’est pas du journalisme, ça. Et lui a été assez con pour répondre de façon virulente aux attaques du journaliste. Moi, je préfère garder mes distances, faire mon truc, et après on verra. C’est pas que je n’ai pas envie de faire des interviewes, c’est juste que je n’ai pas envie d’y réfléchir. Je ne suis pas victime du succès au point de vouloir faire à tout prix des interviewes. Il y a tellement d’autres choses auxquelles je dois penser. Moi, du moment que je fais mon truc et que je m’éclate… »

« Que penses-tu de gens comme Christian Marclay, et plus généralement de la musique expérimentale ? »

« Je suis assez intéressé par la musique expérimentale faite avec des platines. D’ailleurs, j’aimerais diriger un orchestre classique genre philharmonique qui se composerait uniquement de DJs. Cela fait un an que je bosse sur ce projet. A Paris, il y a quelques mois, j’ai rencontré Cut Killer, et il m’a dit qu’il voulait être dans cet orchestre. Je lui ai faxé mon idée... la formation d’un orchestre de trente-trois DJs en vue d’un enregistrement et éventuellement, d’un show à New York. Ce sera ma contribution à l’évolution du travail de DJ. »

« Joueras-tu dans cet orchestre ? »

« Ouais, mais j’y aurai surtout une fonction de chef d’orchestre. Ce sera la continuation d’un rêve que j’ai depuis pas mal d’années... Ce serait formidable, tous ces DJs rassemblés dans un cadre magique, normalement réservé aux orchestres symphoniques... C’est un rêve qui va se réaliser. »

« Sinon, joues-tu dans une formation plus classique ? »

« A l’heure actuelle, j’ai mon propre groupe, The Last Padres, qui joue un mélange de hip-hop, de funk et de jazz. Mon but est d’éliminer tous ces noms. Mettre des étiquettes sur des musiques, c’est de la merde. Du moment que la musique est bonne, pas besoin d’y coller une étiquette. La musique, c’est pas comme un produit dans les supermarchés, un produit sur lequel on est obligé de mettre une étiquette. Pas besoin de dire « ça, c’est du jazz, du funk ou du hip-hop ». C’est de la bonne musique, un point, c’est tout ! C’est ça qui est important. La musique de The Last Padres, c’est une combinaison de toutes ces étiquettes de merde. Ce n’est plus du jazz, du funk ou du hip hop. C’est de la musique pure, celle que j’aime... Mon but, c’est de faire de la bonne musique avant tout. »

« Dans ton groupe, il y a uniquement des platines ou il y a d’autres instruments ? »

« Il y a d’autres platines mais c’est un groupe... un groupe de platines. Je m’intéresse beaucoup à tout ce travail de DJ. J’aime The Invisible Scratch Pickles, j’ai fait quelques dates avec eux, en France et en Suisse. Je vais bientôt partir en tournée en Afrique avec les X-Men. Avec le groupe Each Temples et Rob Swift des X-Men, on fait un travail interactif. Ils sont dans la même branche que moi, et on a déjà travaillé ensemble sur mon projet d’orchestre de DJs. Le fait de travailler avec ces gars me permet de revenir aux fondements mêmes de mon travail de DJ, de revenir aux sources, car j’étais parti dans un tout autre délire... Ils m’apprennent et m’aident beaucoup, et cela me permet de garder ce coté roots du DJing tout en évoluant avec mon temps. Ca me permet d’évoluer avec les nouvelles techniques. Du scratch au maniement des disques, les techniques évoluent et moi, je reste quand même un papy du DJing. Ma technique est bonne mais pas très contemporaine en regard de ce qu’eux sont capables de faire. C’est comme si je revenais à l’école, je réapprends mon boulot. Ca me permet de revenir à l’idée originelle du hip-hop. Beaucoup de gens pensent que le travail de DJ et le hip-hop, ce n’est pas la même chose. Alors qu’en fait, tout ça vient du hip-hop. Le hip-hop, c’est la base de la manipulation des disques : utiliser le meilleur du disque, scratcher, etc... On ne peut pas séparer le travail du DJ de la culture hip-hop. C’est dommage, mais c’est le problème des journalistes en général, qui n’ont pas une bonne connaissance de cette culture. Ils s’imaginent que c’est le MC qui fait la culture hip-hop, alors que les jalons de cette culture ont été posés dans les clubs, par des gens qui manipulaient les disques pour que d’autres puissent s’amuser et danser. C’est encore les journalistes qui font des séparations et mettent des étiquettes là où il ne faut pas. Et tous ces connards mal informés écrivent des articles dans lesquels ils étendent leur peu de connaissances. Ils s’imaginent qu’ils ont la clé de tout, mais ils écrivent n’importe quoi. Moi, je suis retourné à l’école pour apprendre les nouvelles technologies. Eux, ils feraient bien de vérifier leurs petits papiers pour savoir vraiment ce qu’est la culture hip-hop. Il n’y a pas une culture DJ, il y a une culture hip-hop. Tout vient du hip-hop. Le hip-hop, c’est prendre une chanson, la déchirer et la rendre encore meilleure. C’est quelque chose de vraiment dément... On écoute une bonne chanson et on se demande comment la rendre encore plus géniale, comment mélanger cette ligne de basse avec cette batterie... Dans le monde entier, des gens ont de telles idées, et ils ressentent le besoin de mélanger les musiques, de prendre le meilleur de chaque morceau et de tout mélanger. »

Propos recueillis par Alex Mony
Traduction MC2
Mixage DJ X

en écoute DXT feat. Shorty Black /Bootsy Collins / Greg Fits / Bernie Worrell

  If 6 Minutes Was 9 Minutes 

Discographie sélective

Herbie Hancock
« Future Shock » (CBS)
Herbie Hancock
« Sound-system » (CBS)
V/A
« Roots of rap - The 12 inch collection Vol.1 » (Celluloid)
« Altered Beats » (Axiom)
Mutiny
« Aftershock 2005 » (Black Arc)
Bill Laswell
« APC tracks Vol.1 » (APC)
« APC tracks Vol.2 » (APC)
The Last Poets
« Time Has Come » (Mouth Almighty)
Praxis
« Transmutation Live » (Gravity)
Elixir
« Hegalien Zone » (Ion)

Mundial

Omar Sosa

Géographie + Spiritualité = ... Quand on veut présenter la musique du (…)

Omar Sosa vient de Camagüey, Cuba, où il apprend les percussions, puis se concentre sur le piano quand il s’avère impossible pour lui de se procurer un marimba. C’est également durant ces années d’enfance qu’il découvre la spiritualité lucumi (plus connue sous le nom de santeria, un syncrétisme des cultes yoruba et chrétien). Aussi calé en musique cubaine traditionnelle qu’en musique classique occidentale, Sosa commence par travailler avec des artistes pop et hip hop de son île natale. Puis il bouge en Equateur en 1993, où il monte un groupe de jazz fusion et découvre la musique et la religion des descendants d’esclaves. Deux ans plus tard, c’est sur la côte Ouest des Etats-Unis que résonnent ses accords dansants et dissonants, d’abord dans un cadre salsa classique ou en duo avec le percussionniste Jesus Diaz. Puis rapidement Sosa s’impose comme un leader incontournable. Son premier album sort aux USA en 1996.
« Bon d’accord mais tout ça, ça ne nous éclaire pas des masses sur la musique du bonhomme » me diront certains... Et bien justement, si. Car sur son parcours, Sosa a absorbé les cultures tel une éponge humaine. Le résultat, c’est une musique en évolution constante où les traditions musicales de l’Afrique de la diaspora voient leurs liens renforcés par leur spiritualité. Ecoutez au hasard l’un des volumes - tous excellents ! - de sa trilogie Roots : un flot fécondateur d’improvisations débridées baigne les combinaisons plus ou moins structurées des chants et rythmes afro-cubains, afro-équatoriens, du spoken word (en la présence de Will Power) et d’une élasticité funky. Ouf ! ! ! Le tout marqué de références directes aux dieux et aux ancêtres : Spirit Of The Roots commence et se termine par l’appel d’usage à Eleggua, celui qui ouvre et referme les chemins... « Ça fait pas un peu beaucoup ? » rechignent les mêmes. Et bien non. Certes, cette musique touffue et subtile nécessite des oreilles aiguisées - ou tout simplement... ouvertes. Certes, le mix manque parfois de maturité. À ce titre Free Roots, premier volume de la trilogie, comprend quelques tics d’un latin jazz plutôt convenu. Mais sans tarder Sosa et son groupe transcendent le genre pour proposer une musique singulièrement cohérente, à nulle autre pareille. Voix et percussions de tous horizons s’allient avec un bonheur renouvelé, Will Power s’intégrant au tout comme un véritable instrumentiste. Au piano, Omar Sosa est magistral, alliant anticonformisme - on pense à Monk ou à Cecil Taylor - et verve made in Cuba.
Cette verve de notre illuminé cubain, on la retrouve en interview. Impossible de le manager. Débordant d’énergie, chaleureux, il est parfois prolixe. Ses discours peace & love, sa capacité à ne se fâcher avec personne et sa volonté d’être sympathique aux yeux de tous peuvent provoquer l’agacement ou la méfiance de certains. Et l’homme n’est sans doute pas exempt de contradictions. Ainsi s’il affirme s’être réinstallé à Barcelone en 1999 pour se rapprocher de l’Afrique et du métissage culturel européen, on sait bien que c’est aussi en Europe que ses disques se vendent le mieux, et de loin. Qui lui en voudrait ?
En tout cas, le Omar Sosa Sextet live met tout le monde d’accord grâce à la puissance organique quasiment palpable de la musique et  l’enthousiasme incontestablement sincère du grand pianiste tout de blanc vêtu - il n’est pas rare que les concerts dure une heure de plus que prévu.
Allez, c’est bon pour l’intro. Si vous n’avez pas compris que je considère Omar Sosa comme un des musiciens les plus intéressants de la fin du siècle, vous ne le comprendrez jamais. De toutes façons, à vous de vous faire votre propre idée, en allant voir son groupe sur scène, en écoutant ses disques, et accessoirement en lisant l’interview qui suit...

Omar Sosa
La musique fait partie de la vie quotidienne à Cuba. Chez moi, c’est mon père qui écoutait de la musique surtout. Très tôt j’ai fait la connexion entre la musique et la spiritualité. Il n’y a rien de surnaturel, il s’agit seulement de capter le sens spirituel qui est à l’intérieur de la musique.

Tu écoutais les grands pianistes cubains comme Lili Martinez, Francisco Lopez, qui ont apporté des éléments africains dans le mambo, dans le son... ?

Chez moi on écoutait de la musique cubaine comme Benny Moré, El Conjunto Chappottin, La Orquesta Aragon, La Orquesta de Enriquo Jorin, où jouait le pianiste Ruben Gonzalez, du Buena Vista Social Club... Et d’autre part, on écoutait aussi Nat King Cole, Duke Ellington, John Coltrane... Pour moi, en tant qu’enfant, tout ça était très intense. Ainsi que la découverte de la matière spirituelle qui nous englobe tous. Et c’est toujours une réalité pour moi.

Comment es-tu venu au hip hop par la suite ?

Pour moi, le hip hop est la rumba du peuple noir aux Etats-Unis. A Cuba, il y a la rumba, le guaguanco, la columbia, le yambu... mais aussi une autre forme de tradition musicale qui est peu connue ailleurs, l’abakua, une société religieuse secrète, réservée aux hommes. Leur façon de chanter est la même que dans le rap ! Par exemple dans mon deuxième album sorti en France, Spirit Of The Roots, dans le morceau To Miles And Joseito, Ibaé, tu peux entendre la langue abakua. On le jouera peut-être ce soir, je ne sais pas. On ne sait jamais ce que l’on va jouer avant le moment même. Mais revenons au rap. Quand je suis allé pour la première fois aux Etats-Unis, j’étais à Oakland dans un quartier noir très dur. J’ai fait la relation entre le rap et la manière dont parlent les noirs dans la rue, et pour moi, le rap est la voix de la communauté noire... C’est dingue, certains rappers parlent de meurtre, etc... Je n’adhère pas à cela, mais ça fait partie de la société. Tu ne peux pas y échapper, on doit être dans la société. Si un rapper dit « Fuck You » c’est dur, mais c’est aussi comme ça que les gens parlent dans la rue parfois. C’est comme avec le mot nigger. Il faut faire attention. Si c’est un noir qui le dit à un autre noir, « What’s Up Nigger ?! », c’est cool. Mais si un blanc me dit nigger, cela devient un problème ! (rires) C’est la manière dont la communauté noire construit son slang, sa langue de rue. Je suis resté trois ans à Oakland. Avant ça, j’ai vécu à Barcelone, en Equateur...

Tu avais déjà eu une expérience du hip hop à Cuba avec le rapper Ofil je crois ?

Tu en connais des trucs sur ma vie ! Tu es le premier à me sortir ça ! Ofil est mon ami, c’est un des premiers à avoir fait du rap à Cuba. C’était mon voisin ! Un jour il est venu chez moi et m’a dit « Je veux être dans la musique ! Voyager, tout comme toi ! ». Je lui ai dit : « Dis ce que tu as à dire ». Il a commencé à rapper à propos de notre folklore, de Benny Moré, de la situation à Cuba... Il était très bon. Il a réussi finalement, il a eu un disque d’or au Mexique. Je suis content pour lui, car c’est moi qui l’ai amené à la musique. Depuis, je n’ai pas suivi la scène hip hop à Cuba, ça fait neuf ans que je n’y suis pas allé. C’est bon de repenser à ça ! C’était dans les années 80… Il n’y avait pas de rappers à Cuba ! Avec Ofil et Ernesto Fundora, un ami, on a mélangé hip hop, musique cubaine et jazz... Mais quand je suis arrivé aux Etats-Unis... Waouh... C’est un peu le rêve cubain, tous les cubains veulent aller aux States. Dans mon cas c’était par accident. J’étais à Barcelone, et mon visa a expiré. Impossible de retourner à Cuba ou en Equateur. La seule possibilité, c’était un visa touristique pour les Etats-Unis, ma femme et moi sommes partis !

Comment les américains ont-ils réagi à ta musique ?

Au début, ils n’ont pas réagi du tout ! Et puis un ami photographe, que ma femme et moi avions connu en Equateur, m’a amené dans un night-club où j’ai pu jouer. Et un agent, un latino très jeune, m’a proposé de me recommander à des groupes de salsa. J’étais un peu sceptique, mais il m’a permis de contacter Fito Reinoso, qui a un groupe cubain. Je n’avais jamais fait de salsa... J’ai insisté pour que Fito m’écoute, il m’a fait passer un véritable test ! J’ai essayé... Et finalement, j’ai joué avec des groupes cubains pendant un an, j’ai adoré. Entre-temps, j’ai eu envie de faire quelque chose d’autre. Je savais ce que je voulais faire, mais je venais d’arriver et personne ne me connaissait, donc personne ne voulait jouer avec moi.

Tu avais déjà le concept en tête ?

Oui. Et puis un jour, à force de rencontrer des gens avec Fito, j’ai rencontré Jesus Diaz, un des meilleurs percussionnistes au monde, et on a monté un groupe ensemble, QBA. On jouait à San Francisco, dans les festivals, et puis on a commencé à se disputer sur qui était le patron ! Maintenant c’est un truc qui n’a plus d’importance, mais à l’époque... Il disait : « Tu écris la musique, mais c’est moi le boss… » (rires) On s’est réconcilié depuis. Heureusement. J’ai besoin d’être en accord avec les esprits, d’être ouvert, clean, pour porter leur message. Dès qu’un conflit stupide basé sur l’ego intervient : « Je suis ceci ou cela... » Non, personne ne peut dire ça ! Ce sont les esprits qui détiennent la vérité, en tout.

Pour toi le rap sert à transmettre un message bien précis aux gens, à éduquer les consciences ?

Oui. C’est pourquoi je voulais Sub-Z sur cette tournée. Sub-Z et Kokayi d’Opus Akoben, c’est une nouvelle génération de MCs, qui ne veulent pas parler de meurtre et de négativité, mais d’amour, de respect des êtres humains, de la culture, de la vie. En fait... La philosophie du groupe, c’est la philosophie de Thelonious Monk. Monk disait que le jazz c’est la liberté. C’est ce que l’on veut transmettre. Car il y a tant de structures autour de nous dans la vie ! La musique ouvre une autre voie. Certains musiciens jouent live comme sur leurs albums, pareil ! OK, si tu veux le faire je comprends. Mais si tu donnes de la liberté à travers ta musique, les gens la reçoivent, et t’en donnent en retour. Je ne joues pas du jazz, je joues la philosophie du jazz. Du hip hop ? Non. Nous, on prend l’esprit du jazz, l’esprit des ancêtres, et puis on utilise le hip hop pour dire quelque chose aux gens. Mais en fait, dans ce groupe c’est du spoken word, pas du rap traditionnel. Si tu écoutes du rap, ça parle rarement d’offrir des fleurs... Nous on suit plutôt cette voie philosophique. Et c’est une voix contestataire. Pas politiquement, mais parce que l’on veut apporter de l’amour et de la paix à l’humanité. Peut-être qu’avec un morceau bien barré, on peut donner de l’amour. Ça peut sonner barré et rappeler à quelqu’un sa grand-mère (rires)… Il faut respirer l’instant présent, car il n’y a qu’une seule vie ! Cela me fait penser à la mort de mon père... C’était quelqu’un de très fort, et un jour il est mort ! On a pas le choix ! Il faut accepter, et travailler sur la réalité présente. Et c’est le moment de s’aimer les uns les autres, d’être ensemble. Quelque soit la couleur de notre peau. C’est quelque chose qui se fait ici même, en France. Dans certains coins d’Europe, mais surtout en France, à Marseille, à Paris, quelque chose se prépare. A travers ce métissage de plus en plus solide, les gens réconcilient les deux côtés. Plus de noirs ou de blancs. C’est ce que les esprits veulent nous dirent, par le biais de la musique, de l’art en général. L’art est un moyen d’exprimer ce mélange et nos différences. Que tu aimes ou pas, après, c’est ta perception.

Peux-tu parler de ta collaboration avec Will Power ?

Will est mon pote. On s’est rencontré à Oakland, par l’intermédiaire de mon premier bassiste avec qui il jouait. Je voulais un rapper dans le groupe, mais pas un rapper classique, un gars qui fasse du spoken word. Qui soit capable de parler de passion, d’amour et de l’expérience du peuple afro-américain. J’ai essayé avec un premier gars, mais il n’avait pas cette connexion avec les ancêtres. Finalement Rahsaan m’a présenté Will. Je lui ai demandé s’il connaissait les orishas (les dieux dans la santeria, nda), la religion afro-cubaine. Ce n’était pas le cas, mais il était d’accord pour apprendre. J’avais déjà les morceaux de Free Roots, je les lui ai fait écouter, il a commencé à rapper. C’était mon gars.

Peux-tu nous parler de l’album « Bembon » ?

A Cuba, cela désigne les grosses lèvres des noirs, un peu péjorativement. C’est un mot agréable pour moi, qui regroupe tout le peuple noir dans un seul et bel ensemble. Il a été mixé et presque entièrement enregistré en Equateur.

Pourquoi avoir fait ce choix connaissant les difficultés, notamment techniques ?

J’ai déjà des amis là-bas ! J’ai les bonnes connexions avec les bonnes personnes. Cet album, c’était une sacré course. J’ai essayé de le faire à l’américaine, avec toute la technologie. Mais ils ne l’ont pas ! Je me demandais comment faire... Et puis on a fait un studio avec des morceaux de quatre studios différents ! (rires)

L’album sonne bien. Il donne l’impression d’être dans la forêt équatorienne...

C’est l’album que ma femme préfère. Il est plus tiers-monde, dans la manière de sentir la passion et pour le côté relax... En fait je n’aime pas ce mot tiers-monde, car pour moi le Tiers Monde est le Premier Monde. Le Maroc, Cuba, l’Afrique, c’est le Premier Monde, où les gens sentent la force vitale, s’aiment les uns les autres.

 « Bembon » c’est le troisième volume de la trilogie, c’est ça ?

Oui, mais le nom a changé. Je devais appeler cet album Roots Within… Ma femme me disait « So many Roots... » (rires). Si tu écoutes le premier volume de la trilogie, Free Roots, j’essaye de découvrir quelque chose ; le deuxième est plongé plus intensément dans les traditions, avec les percussions. Les réponses aux questions que je me posais sont sur ce nouvel album, avec un truc nouveau : le côté occidental du quatuor à cordes. C’est devenu un des éléments du tout ; c’est ce que les ancêtres m’ont dicté. Il faut que l’on se réunisse, quelle que soit notre origine, nous partageons le même monde. Cela est de plus en plus évident : si les êtres humains ne s’unissent pas, nous allons mourir. Définitivement. Dans ce monde, si tu n’as pas d’argent, tu es mort. Cela n’a pas de sens. Bien sur, j’ai besoin d’argent pour survivre, mais tout cet argent va nous noyer...

Qu’est-ce que tu en as pensé la dernière fois que tu es allé à la Havane ?

Cela ne m’a pas marqué... En fait c’est surtout la première fois que j’ai pris l’avion pour partir de Cuba, au Congo, que j’ai été impressionné. Je me suis dit : « Que le monde est grand ! »Maintenant je le trouve si petit... La dernière fois, à Hambourg, un journaliste m’interviewe. Il me demande : « Combien d’albums tu vends », sa première question ! Quel départ, pour une interview ! Je lui ai dis : « Prends ce téléphone et demandes au label ». Je ne veux pas savoir combien d’albums j’ai vendu. C’est quelque chose qui me déconcerte : combien de ventes ? Est-ce que c’est bon ou pas ? Cela ne m’intéresse pas. Ce que nous apportons aux gens, c’est de l’amour. Si tu aimes quelqu’un, il faut le lui dire, sans bégayer. Trop de gens n’osent pas s’exprimer. On est bombardés de faux besoins et de publicité... Les gens ne prennent simplement pas le temps de remercier leurs parents, leurs professeurs... En fait, c’est ça mon travail, pas la musique. Je n’essaye pas de jouer de la musique, elle est déjà là pour nous, à travers les dieux. L’idée c’est d’amener de l’amour et de la paix. Si une seule personne le ressent, je suis heureux, car le message est transmis. Je suis d’accord avec tous les gens qui agissent en suivant une voie spirituelle... Je suis aussi d’accord avec ceux qui font du marketing ! Christina Aguilera, Ricky Martin... Car les dieux bénissent tout le monde. Certains rassemblent 400.000 personnes dans un stade ? Bien. C’est comme les footballeurs. Le football ne m’intéresse pas, mais ces gars ont un don ! Le problème, c’est la manière dont l’argent et le succès changent l’intérieur des gens. Ce jeune footballeur français, très cher, qui jouait à Barcelone...

Anelka ?

C’est ça ! Ce gars est traité comme un bout de viande, alors qu’il veut seulement jouer au football... Il avait à peine dix-huit ans, et tout le monde l’attaquait sur ses habitudes, son salaire, ses voitures... C’était pareil avec Maradona, en plus il y avait le problème de la drogue. Ces gars sont utilisés, et personne ne leur dit : « Faites ce que voulez, nous vous aimons ». Vous, les journalistes, avez le pouvoir d’influencer les esprits, de changer le marketing et la publicité. Il faut transmettre le message, apporter paix et amour aux êtres humains. Nous avons besoin de pleurer, de sourire, de nous aimer les uns les autres. D’arrêter toutes ces guerres ! Il faut réaliser que l’on est ici pour vivre la vie, et c’est tout.

Que signifie « Prietos », le titre de ton dernier album ?

Ça désigne les noirs, la peau noire. A Cuba, les gens que l’on appelle prietos sont ceux qui sont très noirs, comme les africains. Je ne voulais pas utiliser le mot africain, je voulais un mot comme bembon

C’est de l’argot ?

Bembon oui, si on veut. Le vocabulaire est une chose en mouvement...

Où a-t-il été enregistré ?

Il a été enregistré à moitié... L’enregistrement de base, à... à... J’ai oublié... (rires) Non je ne peux pas oublier ça. L’enregistrement de base, à San Francisco, puis on a enregistré des trucs à Barcelone avec des musiciens marocains. Ensuite, on est allé à Paris et on a enregistré avec des musiciens africains, afro-vénézueliens et afro-cubains. Enfin on est retourné en Equateur pour enregistrer les musiciens afro-équatoriens. Et puis, je suis retourné à San Francisco pour mixer le disque.

Tu as aussi un projet avec un orchestre symphonique, non ?

Oui, mais l’album suivant, c’est Puros. Il n’y aura ni basse ni batterie, que des instruments ethniques, avec le piano et des chanteurs. Ensuite, il y aura Padres, avec un orchestre symphonique, et de vieux maîtres : Doudou N’Diaye Rose, Papa Roncon de l’Equateur, Pancho Quinto de Cuba, un maître du genbri marocain, Ana Vasconcelos...

Les musiciens marocains avec qui tu as travaillé, ce sont des gnawas ?

Oui.

Les mêmes que ceux avec qui travaille Randy Weston ?

Oui, quasiment. Il y a Yassir Chadly qui a enregistré avec Randy Weston sur son album Spirit Of Our Ancestors.

  J’imagine que Randy Weston est un pianiste dont tu te sens proche, non ?

Oui, mais j’ai peu écouté Randy ; je l’écoute de plus en plus. C’est un des maîtres, un des pères. Je l’ai vu pour la première fois à la télévision en France, très tard un soir, il y a cinq ans. J’ai vu ce grand africain... Il jouait du piano solo... Waouh ! Ce type est puissant. Je ne parle même pas de la manière dont il joue du piano, qui est incroyable, mais de sa spiritualité, de la manière dont il s’exprime. Je suis un peu un enfant de cette voie qu’a tracée Randy.

De quels musiciens de ta génération te sens-tu proche ?

J’aime beaucoup la musique de Gonzalo Rubalcaba. Nous sommes de bons amis, on a déjà partagé la même scène. Carlos Maza est un ami aussi. Il y a trop de noms qui se bousculent dans ma tête... Mais il y a beaucoup de jeunes bons musiciens... Sinon je me sens très proche de David Murray. Il m’a invité pour un de ses derniers projets, il y a deux semaines : il a fait la musique d’un film sénégalais, une version de Carmen avec des africains.

Tu dis que quand tu joues, ce n’est pas toi, ce sont les esprits qui jouent à travers toi...C’est-à-dire, plus précisément ?

C’est simple. Je n’ai pas à y penser. Avant, j’essayais de réfléchir à ce que je jouais, de plaire aux gens. Maintenant je ne pense plus à ce que je joues. Si les esprits veulent dire quelque chose, ils le disent, sinon, ils ne disent rien ! Je peux me forcer à jouer quelque chose, mais au final cela n’aura pas de sens.

  Tu as beaucoup de chance que les esprits aient des choses à dire à travers toi !

Non, pas moi. Tout le monde à la chance de pouvoir s’exprimer. Le problème, c’est la société, qui avec toutes ses structures, met des limites aux possibilités d’expression et d’action. Mais si l’on ouvre nos âmes et nos cœurs, on réalise que l’on a besoin de liberté, pour exprimer ce que l’on a en soi. Et ce que l’on a, ce sont eux, les esprits, qui nous le donnent. Sans eux, il n’y aurait rien. Rien que des mots creux.

Interview réalisée par Mr Oat

Visuel, scratch painting, par Jean Yves Blanc

Blues - Rock

JEF LEE JOHNSON

Bill Cosby dit de ses compositions qu’elles sont un croisement entre Hendrix (…)

La chanteuse jazz Rachel Ferrell dit aussi de celui qui l’a accompagnée sur sa tournée de promotion pour ses débuts chez Capitol en 1994 qu’il « a un instinct incroyable et une capacité innée à servir la musique. En une seule chanson, il peut déployer toutes les gammes d’émotion sur sa guitare. »

Le docteur Huxtable s’y connaît sûrement en musique, sûrement plus en tout cas que Bill Cosby en obstétrique puisque son feuilleton a souvent accueilli la fine fleur de la musique américaine, de Lester Bowie à BB King en passant par Max Roach. Si son croisement entre Hendrix et Miles ne nous renseigne pas plus que ça sur la musique de Jef Lee Johnson, il a au moins le mérite de montrer que ce chanteur guitariste d’exception n’est pas un inconnu pour tout le monde. Enfin presque, parce qu’avec deux albums solos à son actif et une distribution plus confidentielle que les dessous de l’assassinât d’un député varois, par exemple, Jef Lee Johnson n’en reste pas moins un inconnu de par chez nous. Son premier album ne fut que très vaguement distribué en France. Comme le dit l’adage, nul n’est prophète en son pays et nul n’est souvent non plus prophète chez les autres. Enfin, tout ça pour dire que Jef Lee Johnson est encore un inconnu, illustre certes quand on voit ses références discographiques impressionnantes puisqu’il a joué avec Mc Coy Tyner, Sister Sledge, Chaka Khan, Will Downing et Ronald Shannon Jackson… Les albums de Jef Lee Johnson sont des trésors inestimables qu’il est inconcevable de cacher plus longtemps aux yeux du peuple. Il est vrai que certaines collaborations jazz dans sa discographie peuvent faire peur aux oreilles peu habituées, par exemple, aux déconstructivisme groove et heavy rock du Ronald Shannon Jackson Decoding Society dans lequel Johnson a évolué. Formidable vivier à guitaristes novateurs duquel sont issus Vernon Reid, Rick Iannacone, Johnson et bien d’autres, le Decoding Society reste quand même difficile d’accès et sa confidentialité relative est en tout cas, si ce n’est juste, beaucoup plus logique que celle dont souffrent les deux albums disponibles de Jeff Lee. Sa musique, contrairement au Decoding Society, est facile d’accès et populaire dans le sens noble du terme. De cette expérience jazz faisant plus que quelques fois friser le free, Jef Lee a gardé une grande liberté de circulation sur le territoire harmonique. Ses solos profondément ancrés utilisent avec bon goût les avancées musicales XXème siècle, créant ainsi une voix hautement originale et reconnaissable entre mille. Les morceaux eux-mêmes sont à l’image des solos de guitares. Ma musique peut faire beaucoup de bruit déclarait Johnson au magazine américain Guitar Player. Elle repose sur le blues mais ne copie pas Elmore Jones ou Buddy Guy. Elle a plusieurs couleurs et évolue sur d’autres critères que les traditionnels trois accords I IV V du blues. C’est du blues psychotique ! Blues psychotique, c’est vrai, mais ça ne doit pas faire oublier le funk, la pop, le rock qui se mêlent avec un tact incroyable chez cet artiste au goût sûr. La liberté acquise auprès des grands du jazz cités en début d’article, mais aussi le travail aux côtés d’artistes plus conventionnels tels que Huey Lewis, Leon Russel, Aretha, ont donné aux deux albums de Jef Lee cette qualité improbable, mélange d’un savoir harmonique au service d’une originalité réelle et sincère et d’un flair pour les mélodies accrocheuses même si elles évoluent sur des constructions hautement personnelles. Jef Lee semble être à son aise et surtout être lui-même dans plein de contextes différents : de la country (juste une influence) au hip-hop (il a participé à la B.O. de Clockers de Spike Lee). A part que tout ça, c’est de la tchatche, ça nous dit pas grand chose sur la musique en question, alors je vais me mettre à parler des albums, à savoir Blue sorti en 1995 et Communion sorti en 1997. Commençons voir par Blue, produit par Peter Wetherbee (le bras droit de Bill Laswell) et Mr Johnson lui-même. Ce n’est pas de la démagogie que de dire que “Blue” comporte ou moins quatorze chef-d’oeuvres, une voix chaude pleine d’humour et de feu intérieur, des guitares d’orfèvres, et qu’un sentiment général de chaleur bienfaisante s’en dégage à chaque écoute. Blue reste quand même mon préféré des deux pour son côté familier. Il fait bon s’écouter un album comme ça à la maison, ça te meuble l’espace sonore avec classe. Tour à tour énervées, caressantes mais toujours poignantes, les compositions de Jef peuvent plaire à un maximum d’oreilles sincères. Ecoutez le blues mineur Ain’t Seen Irene, laissez vous emporter dans le labyrinthe fascinant de You Jumped The Gun Again, superbes morceaux aux harmonies inédites et pourtant chantable en chœur avec le disque, ou hochez la tête d’indignation à l’écoute de Seems For No Reason qui décrit la révolte finale de quelqu’un face à ceux qui lui font sentir qu’ils lui sont supérieurs (patrons, pontes locaux…). Ou enfin, vibrez sur le solo halluciné de Jungle que vous finirez par fredonner tellement il est limpide et définitif. Avec le deuxième album Communion, Johnson a été signé par DIW, la classieuse maison japonaise à gros moyens qui s’y connaît pour sortir des sentiers battus, même si, comme le disait David Murray : “Ils ne veulent que des noms”. Enfin, cela prouve au moins qu’il aura eu une reconnaissance du milieu. Si Communion retient encore un peu de cette chaleur languissante digne des villes Louisianaises et de bayous paresseux (bien que Jef Lee Johnson soit originaire de Philadelphie) qui coulaient dans les sillons de Blue, cet album est plus minimal, plus austère. Le contenu n’en est pas moins intéressant. De superbes morceaux parsèment ce disque qui nique à l’aise la production néo-pseudo-blues dont je tairai le nom des protagonistes pour ne pas m’aliéner des amateurs potentiels de l’oeuvre de Jef. Sur cet album, il a tout joué, produit et mixé. C’est son choix et c’est peut-être pour ça que le disque sonne moins chaud que Blue où Jef jouait avec son trio. A l’époque, il déclarait : “Mon power trio est au coeur de ce que je fais, ça fait longtemps que je suis prêt à jouer mes morceaux et c’est la bonne formule.” Moins flamboyant que Blue, peut-être pour cette raison, Communion s’annonce quand même comme un des albums de l’année 1997, avec des perles telles que How True Are You et Suspicious. A noter une reprise hilarante du célèbre Giant Steps de John Coltrane, casse-tête régulier des étudiants des divers conservatoires de jazz, dont il faut dire qu’il est difficile de donner une version nouvelle convaincante tant celle de Coltrane semble définitive. Jef Lee Johnson, lui, y parvient avec cet humour pince-sans-rire qui semble être le sien, il en fait une adaptation country ragtime dilatée, avec accompagnement à la Chet Atkins, thème joué à la guitare slide et solo trop comique. Sur Communion, Jef nous file en bonus trois morceaux qui étaient déjà sur Blue interprétés différemment. Le superbe You Jumped The Gun Again, le sympathique Feel So Fine (dédié à John Lennon) et une version déjantée de Jungle (avec ligne trash-lent de guitare en filigrane) trop strange. Peut-être a-t-il inclus ces trois morceaux pour nous rappeler son superbe album Blue passé inaperçu, et avec le secret espoir de le voir bien distribué et compris. Pour cela, comme avec les albums de Jean-Paul Bourelly (les deux guitaristes chanteurs ont beaucoup de points communs : leur classe, leur liberté, leur spiritualité, leur intelligence et j’en passe), il faut faire le siège de votre disquaire.

DJ Stiff

Blue
(Coconut Grove)
Communion
(DIW)

Blues - Rock

TRIBUTES TO JIMI HENDRIX

Si Jimi Hendrix a connu le succès de son vivant, on aura jamais autant (…)

Quoi qu’il en soit, son héritage musical, tout ancré qu’il était dans les racines de la musique afro-américaine, a inspiré des artistes venus de tous les horizons. Repris, imité, copié, parfois même singé mais - presque - jamais égalé, Jimi Hendrix restera une des figures emblématiques de la musique du XXème siècle, et il serait dommage de ne garder de lui que l’image d’un guitar-hero allumé qui s’adonnait sur scène à des excentricités à la limite du ridicule.

Pour les maisons de disques, le nom de Jimi Hendrix restera à jamais synonyme de gros sous : ressorties homologuées de vieilles bandes pirates, fonds de tiroirs, et des hommages à n’en plus finir, le filon est bien loin d’être tari. Rien ne nous aura été épargné durant toutes ces années. Parmi toutes ces publications / hommages, Scratch en a sélectionné cinq, une bonne poignée de disques dont vous n’aurez surement pas beaucoup entendu parler dans la presse musicale dite spécialisée et qui, bien loin des palotes imitations des Eric Clapton et autres Stevie Ray Vaughan, nous semble constituer un véritable tribut à l’œuvre du grand Jimi.
L’esprit de Jimi Hendrix a toujours habité la musique de George Clinton, et cela depuis la fin des années 60. Les trois premiers albums de Funkadelic (Funkadelic, Maggot Brain et Free Your Mind) distillaient tout particulièrement cette formidable vibration électrique et funky que l’on entendra désormais dans la quasi-totalité des enregistrements du P-Funk. Au sein du collectif de Clinton ont défilé un grand nombre de guitaristes, le premier - et le plus important - restant l’excellent Eddie Hazel. Son album posthume, Rest in P, n’est pas à proprement parler un hommage à Jimi Hendrix mais les références à l’œuvre du Maître y sont si nombreuses qu’il ne pouvait que trouver sa place dans cette chronique. Relic’ delic (Purple Hazel), Until It Rains, Straighten Up, autant de superbes pièces sur lesquelles Eddie Hazel revendique haut et fort la provenance de son inspiration, et il est même épaulé dans son entreprise par un ancien du Band of Gypsys, le batteur Buddy Miles. Bootsy Collins, Bernie Worrell et d’autres piliers du P-Funk sont aussi de la partie et Juicy Fingers, l’une des pièces maîtresses de ce disque devrait convaincre sans peine les plus sceptiques d’entre vous.
Autre production signée George Clinton, plus récente celle-ci, le Tributes To Jimi Hendrix Vol.1 par la P-Funk Guitar Army nous convie à un éblouissant festival de guitare électrique qui dérape insensiblement vers le hip-hop, le funk ou le blues. Eddie Hazel, Michael Hampton et Blackbyrd sont évidemment au rendez-vous et si l’on excepte deux ou trois morceaux un peu faiblards, ce disque vaut le détour.
Même appréciation pour le Tribute To Jimi Hendrix Vol.2 (Return Of The Gypsy). Le disque n’est pas produit par Clinton mais il contient plusieurs contributions de membres du P-Funk comme Bootsy Collins et son Rubber Band, Gary Mudbone Cooper, Michael Hampton ou encore Andre Foxxe, signataire de deux titres enregistrés live qui introduisent et clôturent ce disque en beauté. Autre participant à cet hommage, le multi-instrumentiste Menace, un musicien qu’on a que trop peu souvent l’occasion d’entendre.
Le travail réalisé par Joe Bowie et son Defunkt Special Edition, lui, est tout autre. A Blues Tribute : Muddy Waters & Jimi Hendrix constitue en fait le témoignage d’un concert donné début 1994 à la Knitting Factory à New York. Pour l’occasion, la formation de Defunkt était considérablement modifiée ce soir là et comprenait, outre Kellie Sae et Ronnie Mac Jenkins, le guitariste Jean-Paul Bourelly et son batteur Alfredo Alias. Une bien judicieuse initiative qui, c’était à prévoir, allait porter ses fruits. Au programme de cet album, six reprises de choix de Jimi Hendrix (Little Wings, If 6 was 9, Who knows…), six superbes compositions enjolivées par les solos dévastateurs de Bourelly et qui, sous les inflexions de la voix de Kelli Sae, adoptaient une chaude couleur soul-funky qui faisait parfois défaut aux œuvres originales d’Hendrix. Et pourtant, tout réussi qu’il soit, ce Blues Tribute fait figure de brouillon en regard du travail effectué par Jean-Paul Bourelly dans son Tribute to Jimi.
Jean-Paul Bourelly, on vous en parle souvent dans Scratch. Compositeur inspiré et guitariste absolument phénoménal, il a depuis longtemps assimilé et digéré l’héritage de Jimi Hendrix, et lorsqu’il se permet de reprendre des compositions du Voodoo Chile, c’est pour les remodeler et les recréer à sa convenance ; c’est pour les confronter au spectre d’une conception créatrice plus universelle et surtout plus moderne. En fait, il s’approprie cette œuvre et nous en livre une interprétation pleine de fraîcheur et de personnalité... Une vraie cure de jouvence ! Ainsi, dans son Tribute to Jimi, c’est tout naturellement qu’il greffe des épilogues de son cru à des titres-marathon comme Machine Gun ou Who Knows, et l’introduction qu’il fait dans ce même Who Knows apporte incontestablement un enrichissement mélodique à la composition originale telle que la jouait Hendrix en 1970. Message Of Love, Straight Ahead, Are You Experienced ? et

  Electric Ladyland 

ne sortent pas non plus indemnes de cet impitoyable lifting électrique et Power Of Soul, une composition signée Bourelly, trouve logiquement sa place dans ce furieux torrent de lave incandescente. Finalement, cet album - plus encore que les quatre énoncés précédemment - est bien plus qu’un hommage : c’est au sens propre du terme, un tribut, un apport considérable à une Oeuvre que personne n’a jamais osé (ou réussi) à dépasser. Pourtant, considérer Jean-Paul Bourelly comme un simple héritier d’Hendrix serait terriblement restrictif. D’abord parce qu’il a su mieux que personne appréhender les diverses formes et expressions musicales d’hier et d’aujourd’hui (du jazz au hip-hop) pour mieux les faire siennes. Ensuite, et ça me servira de conclusion, parce que l’héritage laissé par Jimi Hendrix s’est inséré dans toutes les formes et expressions musicales modernes, et on ne pourrait plus réellement dire ce qui est hendrixien et ce qui ne l’est pas. La musique de Jimi Hendrix fait depuis trop longtemps partie de l’inconscient collectif, et c’est d’ailleurs une excellente raison de réécouter les albums qu’il nous a laissé, une fois de temps à autre... Juste histoire de remettre les pendules à l’heure.
Grandmaster DJ X

EDDIE HAZEL « Rest in P » (P Vine)
P FUNK GUITAR ARMY « Tributes To Jimi Hendrix Vol.1 » (P Vine)
VARIOUS ARTISTS « Tribute To Jimi Hendrix Vol.2 (Return Of The Gypsy) » (P Vine)
DEFUNKT SPECIAL EDITION « A Blues Tribute. Jimi Hendrix & Muddy Waters » (Enemy)
JEAN-PAUL BOURELLY « Tribute To Jimi » (DIW / Harmonia Mundi)
JIMI HENDRIX « Are You Experienced ? » « Axis : Bold As Love » « Electric Ladyland » « Cry Of Love » « Band Of Gypsys » (Polydor)

Electronic

Cleveland Watkiss

Fondateur du trio Project 23, Cleveland Watkiss représentait en 1998, le (…)

Londonien de naissance, Cleveland déclare avoir fait ses premiers pas dans la musique avec l’aide du radio-cassettes de son père, alors qu’il n’a encore que cinq mois. Sa première performance en public, il l’effectue à l’age de quatorze ans, à l’occasion d’un concours de talents locaux. C’est le début d’une carrière musicale riche et variée, qui l’amène tout d’abord à travailler avec Stevie Wonder, Nina Simone, les Who et surtout les Jazz Warriors, une formation réunissant tous les jeunes loups de la nouvelle scène jazz britannique. En 1992, il sort un très bel album d’inspiration jazz, Blessing In Disguise, qui passe totalement inaperçu. L’année suivante, il participe à l’enregistrement du premier album d’Outside pour le label Dorado, Almost In Under His Origin. Un deuxième album suivra. Mais c’est en participant à l’explosion de la jungle à Londres que Cleveland trouve vraiment sa voie. En 1994, il rencontre Goldie et collabore à l’enregistrement de son album Timeless, peut-être bien la première œuvre vraiment importante dans le domaine. Il devient le MC attitré de Goldie, et participe aux soirées Metalheadz ainsi qu’à de nombreux live shows du DJ.
Mais Cleveland a déjà une idée bien précise de se qu’il veut faire. Quand il fonde Project 23, c’est avec l’intention de créer une musique qui fusionnerait soul et drum’n’bass, une musique où le rôle du MC dépasserait la fonction de simple Maître de Cérémonie pour accéder à celle de chanteur à part entière. Cleveland rencontre Marque Gilmore pour la première fois à Londres durant l’été 1993, mais ce n’est que plus tard, quand il l’entend jouer de la batterie sur un titre jungle dans un bar new-yorkais, que naît le concept de Project 23. Il convainct Marque de venir à Londres, où les deux hommes sont rejoints par DJ Lerouge, un sélecteur très actif au sein de la scène drum & bass locale. L’album de Project 23 est enregistré en huit mois et sort en octobre 1996. Au niveau strictement rythmique, le disque est un vrai carnage. Membre fondateur de la Black Rock Coalition à New York puis batteur chez Roy Ayers, Cassandra Wilson, MeShell et beaucoup d’autres, Marque Gilmore semble avoir trouver ici le compromis parfait entre drumming live et programmation. Ajoutez à cela de solides compositions et la voix superbe de Cleveland Watkiss, et ça nous donne l’une des expériences les plus excitantes des 90s en matière de drum & bass.

Professor Bass

Electronic

Dillinja

Dans la jungle luxuriante de la drum’n’bass, il est des noms qui, tout en (…)

Dans les années 90, méconnu du grand public, il est, grâce à quelques maxis, l’un des junglists le plus attendu. Né en 1974, Dillinja alias Karl Francis a grandi à Londres. Il est rentré très tôt en contact avec la musique, suivant le régime très sain imposé par la collection de disques de jazz de sa maman. Dès son adolescence, il se met à s’intéresser aux breakbeats, via l’electro et la old school du hip hop. A l’âge de 16 ans, il crée son propre sound-system. En 1991, il attaque la production et tire 500 copies de son premier morceau Tear Off Your Chest, qu’il vend à l’arraché avec l’aide d’un collègue disquaire.
A partir de là, notre gars ne cesse d’apprendre les secrets du métier et de se perfectionner, tripatouillant à longueur de journée basses et beats. Tout au long des années qui suivent, il lance plusieurs labels : Cybotron, Waveform, Target, Deadly Vinyl, Logic, les plus récents se nommant Valve et Pain, ce dernier créé en collaboration avec son ami Lemon D.
Dillinja a aussi enregistré pour d’autres labels parmi lesquels V Recordings et Philly Blunt, mais il a surtout réussi à se faire accepter par les incontournables du genre, Prototype et Metalheadz - respectivement dirigés par Grooverider et Goldie. On pourra donc entendre quelques unes de ses productions sur les compilations de référence que sont The Prototype Years et les deux volumes des Platinum Breakz. Dillinja a aussi semé quelques faces chez Mo Wax, dont on remix du Only The Strong Survive de DJ Krush et C.L. Smooth - du pur drum’n’bass jazzy monté sur un beat hip hop... un morceau qui fait figure d’alien dans la production du junglist, habituellement destinée aux dancefloors.
« C’est un putain de génie », déclarait Goldie. « De tous, Dillinja est le plus technique (...). Il est tellement impassible vis à vis de ses propres morceaux. Il est toujours en train de se démener pour trouver le son juste. C’est un perfectionniste ! »

Professor Bass


Walkabout Sound System

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